Un permis de construire modificatif doit avoir pour objet de régulariser un vice entachant le permis de construire initial

Le Conseil d’Etat a jugé qu’un permis de construire modificatif ne devait pas seulement avoir pour effet de régulariser un vice entachant le permis de construire initial, mais devait également avoir pour objet de régulariser ce vice, cet objet pouvant résulter d’une mention expresse dans le dossier de permis modificatif ou ressortir des éléments de ce dossier (CE, 17 juin 2024, n° 471711).

Dans le cas d’espèce, une société avait obtenu, pour la création d’un supermarché, un permis de construire valant autorisation d’exploitation incompétemment signé, puis un permis de construire modificatif édicté cette fois par l’autorité administrative compétente.

L’autorisation d’urbanisme ayant été portée au contentieux par une société concurrente, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé que le permis modificatif, dès lors qu’il avait été délivré par une autorité compétente, avait nécessairement eu pour effet de régulariser le vice d’incompétence entachant le permis de construire initial, alors même que ce permis modificatif n’avait pas été édicté dans le but de régulariser la compétence du signataire du premier acte.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement de la Cour en considérant que :

« En déduisant ainsi de la seule circonstance que le permis de construire modificatif avait été délivré par l’autorité compétente qu’il pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice d’incompétence dont était entaché le permis initial, alors qu’il lui appartenait de rechercher s’il résultait des pièces du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s’inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l’occasion de son instruction, que ledit permis modificatif avait eu en l’espèce cet objet de régularisation, la cour administrative d’appel de Nancy a entaché son arrêt d’erreur de droit. »

La Haute juridiction administrative estime donc qu’il ne suffit pas que le permis modificatif ait pour effet de régulariser le permis initial d’un vice l’entachant, encore faut-il qu’il ait pour objet cette régularisation, suivant en cela les préconisations du Rapporteur public Jean-François de Montgolfier qui avait conclu que « Pour qu’un permis de construire modificatif ait une portée régularisatrice, il doit donc être établi qu’il a été demandé à cette fin ou, à tout le moins, notamment à cette fin ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence Société AFC Promotion (CE, 30 juin 2023, n° 463230, aux Tables du Lebon) voulant qu’il appartient aux juges du fond, lorsqu’il n’est expressément mentionné, de rechercher l’objet du permis de construire modificatif dans les éléments du dossier, et précise que l’administration doit avoir conscience de la régularisation du vice entachant le permis initial, cette régularisation ne pouvant donc résulter incidemment d’un permis modificatif qui n’aurait pas eu cet objectif.

Ainsi, si l’heure est bien à une conception large de la régularisation des vices entachant les autorisations de construire, le Conseil d’Etat exige que les régularisations soient toujours autorisées volontairement et consciemment par l’administration.

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