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Régularité de la notification à un maire d’arrondissement d’un recours contre un permis de construire délivré par la maire de Paris

Par une décision du 30 janvier 2024 qui sera mentionnée aux tables, le Conseil d’État a jugé que la notification d’un recours gracieux ou contentieux dirigé à l’encontre d’un permis de construire délivré par le maire de Paris peut être adressée au maire de l’arrondissement dans lequel se situe le terrain d’assiette du projet (CE, 30 janvier 2024, n°471649, aux tables).

En l’espèce, par un arrêté du 3 juillet 2019, la ville de Paris a délivré un permis de construire portant sur la surélévation d’un immeuble dans le XIIème arrondissement.

Saisi par des voisins du projet, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par un jugement du 6 juillet 2021.

En appel, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement au motif d’une part, que les conclusions tendant à l’annulation du permis initial étaient irrecevables, faute pour les demandeurs d’avoir notifié leur recours au maire de Paris et, d’autre part, que les conclusions dirigées contre le permis modificatif étaient également irrecevables, en raison de l’absence d’intérêt à agir des demandeurs au regard des modifications apportées par ce permis au permis initial.

Le présent pourvoi en cassation introduit par les voisins du projet a permis au Conseil d’Etat de se prononcer sur la régularité de la notification du recours effectuée par les requérants au maire du XIIème arrondissement.

Pour rappel, l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme dispose que :

« En cas (…) de recours contentieux à l’encontre (…) d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, (…) l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. (…) L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (…) ».

Or, au cas d’espèce, la notification du recours a été adressée au maire du XIIème arrondissement qui n’est pas l’auteur de la décision, contrairement au maire de Paris.

La cour administrative d’appel de Paris a jugé sur ce point dans l’arrêt qui fait l’objet du pourvoi que :

« 4. Il ressort toutefois des pièces du dossier du dossier de première instance que le recours contentieux, tout comme le recours gracieux formé par M. I et autres, a été adressé à « Hôtel de Ville du 12ème arrondissement de Paris Madame R 130 avenue Daumesnil 75012 Paris », soit à R du XIIème arrondissement de Paris. Or, l’arrêté du 3 juillet 2019 a été signé par un agent de la direction de l’urbanisme de la Ville de Paris, bénéficiant d’une délégation de signature accordée par le maire de Paris, autorité compétente pour délivrer les permis de construire au nom de la commune. Les maires d’arrondissement, qui ne sont pas les délégués du maire de Paris non plus que placés sous son autorité hiérarchique, sont seulement chargés, en vertu de l’article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales, d’émettre un avis sur toute autorisation d’utilisation du sol délivrée dans l’arrondissement. Ainsi, le recours contentieux formé devant le tribunal administratif de Paris à l ‘encontre du permis de construire délivré le 3 juillet 2019 n’a été notifié ni à l’auteur de cet acte, ni même à un délégataire de son auteur ou un agent placé sous l’autorité de son auteur ».

De son côté, après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme précitées et les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au rôle dévolu dans l’instruction des demandes d’autorisation d’utilisation du sol au maire d’arrondissement qui doit émettre un avis, le Conseil d’Etat juge régulière la notification du recours dirigé contre un permis de construire délivré par la maire de Paris adressée au maire du XIIème arrondissement et annule par conséquent l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris :

« 4. Les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Eu égard au rôle dévolu dans l’instruction des demandes d’autorisation d’utilisation du sol au maire d’arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris, la notification d’un recours gracieux ou d’un recours contentieux contre un permis de construire délivré par le maire de Paris, au maire de l’arrondissement dans lequel se situe le terrain d’assiette du projet, à l’adresse de la mairie d’arrondissement, doit être regardée comme une notification faite à l’auteur de la décision au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, alors même que l’affichage de ce permis sur ce terrain ne fait pas mention de cette adresse.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. J… et autres ont adressé la notification de leur recours contentieux contre le permis de construire initial délivré par R… de Paris à la SCI Financière Saint Louis, pour un projet situé dans le XIIème arrondissement de Paris, à l’adresse  » Hôtel de Ville du 12ème arrondissement de Paris – Madame R… – 130 avenue Daumesnil 75012 Paris « . Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu’en estimant que ce recours contentieux n’avait pas fait l’objet d’une notification à l’auteur du permis litigieux, pour en déduire que les conclusions tendant à l’annulation du permis de construire initial étaient irrecevables, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ».

Contrairement à la cour administrative d’appel de Paris qui a retenu une appréciation stricte de la notion d’auteur de la décision, le Conseil d’Etat a quant à lui retenu une appréciation plus souple de cette notion en considérant que le maire d’arrondissement en est également l’auteur au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, eu égard au rôle particulier qui lui est dévolu.

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