1. Par un arrêt du 12 avril 2019, la Cour des comptes pose des principes pour les avocats intervenant pour des personnes morales de droit public dotées d’un comptable public lors de la réception des fonds résultant d’une décision de justice et déposés sur le compte CARPA.
En l’espèce, des avocats titulaires de marchés de conseil juridique passés avec l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux et maladies iatrogènes (ONIAM), ont été poursuivis devant la Cour des comptes pour avoir reçu des fonds résultant d’une décision de justice et les avoir déposés sur leur compte CARPA avant de les retransmettre à leur client qui est une personne morale de droit public dotée d’un comptable public.
Ces avocats avaient été chargés par l’ordonnateur de recouvrir les recettes sur décision de justice, puis de reverser ensuite les sommes perçues dans la caisse du comptable.
Le procureur général avait estimé que ces faits étaient susceptibles d’être qualifiés de gestion de fait, dès lors qu’en vertu de l’article 11 du règlement général sur la comptabilité publique (RGCP), le comptable public est seul compétent pour manier des fonds publics et pour encaisser des recettes publiques.
La Cour des comptes a donc regardé si les trois conditions de la gestion étaient réunies, à savoir le caractère public des deniers maniés ou détenus, la détention ou maniement par une personne autre que le comptable public de ces deniers et l’absence de titre légal permettant leur maniement ou détention.
En premier lieu, la Cour a adopté une conception extensive des deniers publics en jugeant que les créances qui résultent d’une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou les créances résultant de subrogations légales constituent des recettes publiques.
En deuxième lieu, elle a rappelé que, sur le fondement du Code de procédure civile et notamment son article 420, l’avocat dispose d’un mandat ad litem, qui comporte le devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de procédure nécessaires ou utiles jusqu’au terme du procès, et l’autorise ainsi à recevoir des fonds pour tous ses clients, qu’il s’agisse de personnes publiques ou de personnes privées. Elle a également considéré que l’avocat n’a pas la libre disposition des sommes en cause, dès lors qu’en vertu des articles 53 de la loi du 31 décembre 1971 et 240 du décret du 27 novembre 1991, il est dans l’obligation de les déposer sur les comptes CARPA.
En conséquence, la Cour a jugé qu’en l’espèce, les avocats qui n’avaient pas excédé leurs interventions prévues dans le cadre du mandat ad litem et qui ont respecté les obligations légales et réglementaires « n’avaient que la détention matérielle des fonds, sans en avoir la libre disposition »; « qu’ils n’ont ainsi joué qu’un rôle passif dans ladite détention et n’ont dès lors ni manié, ni détenu irrégulièrement des fonds publics », elle a donc écarté la gestion de fait.
2. Si, en revanche, la créance publique n’avait pas constitué un acte de procédure des articles 411 et 420 du code de procédure civile, les avocats qui représentaient la personne publique n’auraient pas pu utiliser leur compte CARPA, ce qui pourrait être le cas par exemple dans le cadre de l’exécution d’un protocole transactionnel, qui n’est semble-t-il pas un acte de procédure.
Dans ce scénario spécifique, trois options peuvent être mises en œuvre pour échapper à la qualification de gestion de fait :
- Soit la personne publique émet un titre de recette et procède directement au recouvrement,
- Soit l’avocat établit un mandat de recouvrement, tel que le prévoit la loi du 20 décembre 2014, à condition toutefois de respecter strictement les conditions posées par le décret d’application du 5 mai 2016, ce qui rend cette solution quasiment inapplicable d’un point de vue opérationnel,
- Soit la personne de droit privé débitrice adresse directement ses deniers à son avocat, qui les dépose sur son compte CARPA afin d’établir un chèque à l’ordre du Trésor public directement adressé au comptable public sans transiter par le compte CARPA de l’avocat de la personne publique. Ce dispositif pourrait être prévu par une clause spécifique au sein du protocole transactionnel.
En effet, les deniers sur le compte CARPA de l’avocat de la personne de droit privé ne sont pas des deniers publics mais restent ceux de son client. Ils ne deviennent publics que lorsqu’ils sont réceptionnés par la personne publique ou son avocat, lequel pourrait être qualifié de gestionnaire de fait sans mandat de recouvrement.
Ce raisonnement est transposable à l’hypothèse où la personne morale de droit public est débitrice du fait d’un protocole transactionnel, les deniers peuvent être adressés directement sur le compte CARPA de l’avocat de la personne de droit privé. En effet, son client peut régulièrement le mandater pour réceptionner les fonds qui lui reviennent.