Le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’office du juge d’appel lorsqu’il est saisi d’un jugement ayant annulé une décision de refus de délivrer une autorisation d’urbanisme (CE, 1ère et 4ème chambres réunies, 22 mars 2024, n°463970, Mentionné aux tables du recueil Lebon).
Par un arrêté, le maire d’une commune a refusé de délivrer à une société un permis de construire trois immeubles comprenant dix-huit logements. Saisi par la société pétitionnaire, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté et enjoint à la commune de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire. Par un nouvel arrêté, le maire de la commune a, à nouveau, refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Saisi une nouvelle fois, le tribunal administratif de Bastia a annulé ce nouveau refus et son jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille. Cet arrêt a néanmoins été annulé par le Conseil d’Etat et l’affaire a été renvoyée à la cour qui, par un nouvel arrêt, a finalement annulé le jugement du tribunal.
Saisi à nouveau par la société pétitionnaire, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que le juge de l’excès de pouvoir ne peut annuler, à raison de son illégalité interne, une décision rejetant une demande d’autorisation d’urbanisme pour plusieurs motifs, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d’illégalité, sous réserve faite d’un détournement de pouvoir.
En outre, il a précisé qu’en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu’il annule une décision de refus, se prononcer sur l’ensemble des moyens de la demande qu’il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu’ils portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu’il juge que l’un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif n’est pas tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus pour rejeter la demande tendant à son annulation.
Cela étant précisé, le Conseil d’Etat a ensuite jugé qu’il revient au juge d’appel, pour confirmer un jugement ayant annulé une décision refusant de délivrer une autorisation d’urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d’annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, s’il estime qu’un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l’administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, le juge d’appel peut, sans méconnaître les articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, rejeter la demande d’annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l’autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.
En conséquence, le Conseil d’Etat a estimé qu’en se bornant, pour rejeter la demande d’annulation de la décision de refus litigieuse et annuler en conséquence le jugement du tribunal administratif, à juger qu’un des motifs retenus par la commune était fondé, sans se prononcer sur les autres motifs opposés par le maire et que les premiers juges avaient jugés entachés d’illégalité, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.