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Précisions sur la cristallisation des règles d’urbanisme et les mesures d’injonction en cas d’annulation d’une décision de refus

Le Conseil d’Etat a précisé, d’une part, la portée du principe de cristallisation des règles d’urbanisme à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une décision refusant de délivrer une autorisation d’urbanisme, et d’autre part, les conditions dans lesquelles le juge, après avoir annulé cette décision de refus, doit faire droit aux conclusions à fin d’injonction (CE, 10ème et 9ème chambres réunies, 13 novembre 2023, n°462511, Publié au recueil Lebon).

Par deux arrêtés, le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône) s’est opposé aux déclarations préalables successivement déposées par des particuliers en vue de la création de lots à bâtir sur le terrain leur appartenant. Ces arrêtés ont toutefois été annulés par la cour administrative d’appel de Lyon.

Par deux nouveaux arrêtés, le maire de cette commune a, cette fois-ci, opposé un sursis à statuer aux déclarations préalables des pétitionnaires, et confirmé, par deux autres arrêtés ce sursis à statuer, après que les pétitionnaires aient eux-mêmes confirmé leurs demandes, en application de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme.

Les pétitionnaires ont saisi le tribunal administratif de Lyon qui, après avoir constaté qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur les arrêtés devenus irrévocables, a rejeté le surplus de leurs demandes. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Lyon a toutefois annulé le jugement et les arrêtés du maire encore révocables, et a enjoint à ce dernier de prendre des décisions de non-opposition aux déclarations préalables litigieuses dans un délai d’un mois à compter de la notification de son arrêt.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a d’abord affirmé qu’il résulte de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme que, lorsqu’un refus de délivrer une autorisation d’urbanisme a été annulé par le juge et que le pétitionnaire a confirmé sa demande dans le délai de six mois suivant la notification de cette décision juridictionnelle, l’autorité administrative ne peut pas à nouveau rejeter la demande d’autorisation, opposer un sursis à statuer ou assortir sa décision de prescriptions spéciales, en se fondant sur des dispositions d’urbanisme postérieures à la date de la décision de refus ayant été annulée.

Le Conseil d’Etat a ensuite précisé que le pétitionnaire ne bénéficie toutefois, de façon définitive, des effets liés à ce principe de cristallisation des règles d’urbanisme que si la décision juridictionnelle annulant la décision de refus est elle-même devenue définitive, c’est-à-dire irrévocable en ce qu’elle ne peut plus faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation. Ainsi, lorsque l’autorité administrative a délivré l’autorisation sollicitée à la suite de l’annulation de sa décision de refus, elle peut toujours retirer cette autorisation si la décision juridictionnelle annulant la décision de refus a fait l’objet d’un sursis à exécution ou d’une annulation. Cette possibilité lui est toutefois ouverte, sous réserves que les motifs de la nouvelle décision juridictionnelle ne fassent pas, par eux-mêmes, obstacle à une nouvelle décision de refus, que ce retrait intervient dans un délai de trois mois à compter de la notification de la nouvelle décision juridictionnelle et qu’il soit précédé d’une procédure préalable contradictoire. Enfin, le Conseil d’Etat a précisé que l’autorisation ayant été délivrée au titre de l’article L. 600-2 susvisé peut toujours être contestée par les tiers, sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l’arrêt ayant annulé la décision de refus.

Au surplus, le Conseil d’Etat a également jugé que, lorsque le juge annule une décision refusant de délivrer une autorisation d’urbanisme ou une décision de sursis à statuer, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction et après avoir censuré l’ensemble des motifs énoncés dans la décision ou, le cas échéant, invoqués en cours d’instance, ordonner à l’autorité administrative de délivrer l’autorisation sollicitée, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée et demeurant applicables interdisent d’accueillir la demande d’injonction pour un motif que l’autorité administrative n’a pas relevé, soit qu’à la suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

Sources et liens

CE, 13 novembre 2023, n°466407, Publié au recueil Lebon

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