Les conditions d’ouverture de la voie de l’appel s’apprécient au jour où est rendue la décision de première instance

Par un arrêt du 25 juin 2024, le Conseil d’Etat a mis fin à l’incertitude entourant les possibilités d’appels contre les jugements de première instance en urbanisme dans des communes nouvellement intégrées à la liste de celles soumises à la taxe annuelle sur les logements vacants (CE, 25 juin 2024, n°490864).

L’article R. 811-1-1 du code de l’urbanisme prévoit que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre certaines autorisations d’urbanisme (dont les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements ou les permis d’aménager un lotissement) dès lors que le projet se situe dans une commune soumise à la taxe annuelle sur les logements vacants prévue par l’article 232 du code général des impôts. Cela ferme donc toute possibilité d’appel, seule la cassation devant le Conseil d’Etat restant possible.

Ce mécanisme contentieux avait été mis en place en 2013 (décret n°2013-879 du 1er octobre 2013) pour une durée d’expérimentation de cinq ans. Plusieurs fois renouvelé, il s’applique aujourd’hui jusqu’au 31 décembre 2027 en vertu du décret n°2022-929 du 24 juin 2022.

La liste des communes soumises à la taxe annuelle sur les logements vacants a été fixée initialement par le décret n°2013-392 du 10 mai 2013 qui a été ensuite été modifié à deux reprises avant d’être fortement allongée par un décret n°2023-822 du 25 août 2023.

L’antériorité du régime fermant l’appel par rapport au décret du 25 août 2023 a conduit à s’interroger sur l’application dans le temps de ce dernier. En effet, se posait la question de savoir si l’appel restait ouvert lorsqu’une requête avait été introduite antérieurement au 25 août 2023, alors que le jugement de première instance était postérieur et qu’était en cause une commune nouvellement soumise à la taxe annuelle sur les logements vacants. La doctrine s’était alors interrogée sur l’avenir de l’appel pour ces communes au regard d’une jurisprudence contrastée (R. CHOCRON, L.-A. PIRON, « Quel avenir pour l’appel dans les nouvelles communes situées en zone tendue ? », Le Moniteur, 29 mars 2024, pp. 72-73).

En effet, des jurisprudences divergentes avaient été développées par les juges du fond. Certaines prenaient en compte uniquement la date d’entrée en vigueur du mécanisme de l’article R. 811-1-1 du code de l’urbanisme (CAA Nantes, 11 décembre 2023, n°23NT03443 ; CAA Lyon, 25 janvier 2024, n°23LY03870), d’autres considéraient qu’il fallait que la requête de première instance soit postérieure au décret du 25 août 2023 et donc à l’incorporation de la commune dans la zone tendue pour que l’appel soit fermé (CAA Toulouse, 22 décembre 2023, n°23TL02387).

Ainsi, restait ouverte la question de savoir comment appliquer dans le temps un mécanisme juridique dépendant de dispositions réglementaires distinctes et différées en matière d’ouverture de l’appel.

Dans une décision du 25 juin 2024, le Conseil d’Etat est venu apporter une réponse claire : les voies de recours sont régies par les textes en vigueur à la date à laquelle le jugement de première instance est intervenu. Ainsi, l’appel ne sera fermé que si, au jour du jugement, l’article R. 811-1-1 du code de l’urbanisme est applicable et que la commune concernée est bien classée en zone tendue.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise également que pour des motifs de bonne administration de la justice, les voies de recours contre le jugement mettant un terme au litige sont les mêmes que celles du jugement avant dire droit. Dans l’affaire en cause, le jugement avant dire droit étant intervenu avant que la commune concernée ne soit classée en zone tendue, l’appel restait ouvert malgré un jugement sur le fond intervenu postérieurement à cette date.

Ces éléments apportent ainsi des clarifications contentieuses bienvenues et mettront fin à la divergence qu’il pouvait exister entre les cours administratives d’appel.

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