Dans une décision rendue le 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat a jugé que le critère de covisibilité avec des monuments historiques pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.
Par un arrêté du 28 octobre 2016, le préfet de la Côte-d’Or a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne de Seigny l’autorisation unique qu’elle sollicitait en vue de l’exploitation d’un parc de cinq éoliennes dans la commune éponyme. Ce refus était notamment motivé par la covisibilité du projet avec les châteaux de Lantilly et d’Orain, distants d’environ 5 kilomètres et inscrits au titre des monuments historiques, que le préfet a regardé comme caractérisant une méconnaissance de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.
Le ministre de la transition écologique se pourvoit contre l’arrêt du 17 juin 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé cette décision.
Pour censurer les motifs de la décision attaquée ayant trait à la covisibilité avec les deux châteaux inscrits, la cour administrative d’appel de Lyon avait jugé que le critère de covisibilité « ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme qui prolongerait, hors du périmètre de protection de ces monuments, la servitude d’utilité publique instituée par l’article L. 621-31 du code du patrimoine ».
Le Conseil d’Etat devait ainsi se prononcer sur la question de la possible prise en compte de la covisibilité d’un projet avec des bâtiments remarquables, dans le cadre de son contrôle du respect des dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme selon lesquelles :
« Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des (…) ouvrages à édifier (…), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».
En d’autres termes, l’atteinte au monument historique résultant d’une covisibilité avec un projet peut-elle être contestée sur un autre fondement que sur celui du régime des abords défini au code du patrimoine ?
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle la règle issue de sa jurisprudence Engoulevent selon laquelle il appartient à l’autorité administrative compétente d’apprécier « dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site » (CE, 13 juillet 2012, Association Engoulevent, n°345970, aux tables).
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise que « les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d’intérêt divers en présence, autre que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d’urbanisme ».
En troisième lieu et tel est l’apport de cette décision, le Conseil d’Etat juge que :
« 5. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l’impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations ».
Appliquant cette solution à l’espèce, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon pour erreur de droit et renvoie l’affaire devant cette même cour.