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Intérêt à agir d’une association dont le champ d’action géographique s’étend à l’ensemble d’un département

Par une décision du 1er décembre 2023 qui sera mentionnée aux tables, le Conseil d’État a jugé que dispose d’un intérêt à agir à l’encontre d’un permis de construire portant sur la création d’une zone d’activités une association intervenant à l’échelle d’un département (CE, 1er décembre 2023, n°466492, aux tables).

En l’espèce, le maire d’une commune du Var a délivré, par arrêté du 20 septembre 2016, un permis de construire en vue de la création d’une zone d’activités comprenant trois bâtiments à construire totalisant une surface de plancher de plus de 7100 mètres carrés.

L’association « En Toute Franchise Département du Var » a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté.

Par un jugement du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a, sans se prononcer sur la recevabilité de la requête, rejeté la requête au fond.

En appel, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé irrecevable la demande de première instance, faute pour l’association requérante de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire litigieux, par un arrêt du 9 juin 2022 contre lequel l’association se pourvoit en cassation.

Le présent pourvoi amenait donc le Conseil d’Etat à se prononcer sur la question de l’intérêt à agir de l’association à l’encontre de l’arrêté attaqué, notamment par rapport à son champ d’action géographique qui s’étend à l’ensemble du département du Var.

Après avoir rappelé les statuts de l’association, le Conseil d’Etat a jugé que ces derniers lui donnaient qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis litigieux :

« 2. Pour juger que l’association « En Toute Franchise Département du Var », dont elle a relevé qu’elle a pour objet d’assurer la défense et la préservation du cadre de vie dans l’ensemble du département du Var, ne justifiait pas d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation du permis de construire contesté, la cour administrative d’appel a retenu que ce permis, compte tenu de sa nature, du nombre de constructions autorisées, du choix d’implantation retenu ainsi que des caractéristiques du secteur dans lequel il doit être implanté, n’était pas susceptible de porter atteinte au cadre de vie dont l’association requérante entend assurer la défense et la préservation dans l’ensemble du département.
3. Il résulte toutefois des énonciations de l’arrêt attaqué que les trois bâtiments à construire en vertu du permis attaqué, totalisant une surface de plancher de plus de 7 100 mètres carrés, sont destinés à accueillir des activités artisanales et commerciales et que l’association requérante s’est donné pour objet statutaire d’assurer, dans l’ensemble du département du Var, « la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l’autorisation de surfaces destinées au commerce », notamment en veillant « à la légalité des autorisations d’urbanisme portant sur des surfaces destinées au commerce, y compris celles ne nécessitant pas la saisine de la commission départementale d’aménagement commercial ». Ainsi, en jugeant irrecevable la demande de première instance alors que l’association requérante justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature et l’importance des constructions autorisées, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation excès de pouvoir du permis litigieux, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce ».

Le Conseil d’Etat annule par voie de conséquence l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 9 juin 2022 attaqué.

Il convient de relever que l’intérêt à agir de cette association, intervenant à l’échelle d’un département, a été admis dans la mesure où le Conseil d’Etat considère que par son envergure (7100 mètres carrés de surface de plancher, accueil d’activités artisanales et commerciales), le projet aura un impact à l’échelle du département et pas seulement à l’échelle locale.

Comme à son habitude, le juge administratif effectue ici une appréciation au cas par cas lorsqu’il est amené à trancher de la question de l’intérêt à agir d’une association en analysant d’une part la nature du projet et d’autre part les statuts de l’association.

La solution n’aurait pas été la même si le projet attaqué était de moindre envergure (voir en ce sens : CE, 31 octobre 1990, n°95083, au recueil dans laquelle le Conseil d’Etat juge qu’une association intervenant à l’échelle d’une région ne dispose pas d’un intérêt à agir pour attaquer un permis de construire accordé en vue de l’agrandissement d’un bâtiment d’habitation).

Sources et liens

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