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Cristallisation des moyens dans le cadre d’un appel contre le sursis à statuer pour la régularisation d’un permis de construire

Le Conseil d’Etat a jugé que la cristallisation des moyens s’applique dans le cadre d’un appel formé contre un jugement prononçant un sursis à statuer pour permettre la régularisation d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme.

Par un premier arrêté du 9 mai 2014, le maire de Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône) a délivré à des particuliers un permis de construire une maison individuelle avec garage. Mais, par un deuxième arrêté en date du 3 août 2015, le maire a ordonné l’interruption des travaux au motif que « l’implantation altitudinale » du bâtiment n’était pas conforme au permis de construire délivré. Enfin, par un troisième arrêté délivré le 21 septembre 2015, le maire a accordé un permis de construire modificatif.

Mais, plusieurs voisins du projet ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande d’annulation de ce permis modificatif. Le tribunal a alors sursis à statuer sur leur demande, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, afin de permettre au maire de délivrer un nouveau permis modificatif, dans un délai de 4 mois, visant à assurer la conformité du projet à l’obligation de consulter l’architecte des bâtiments de France. Le nouveau permis modificatif ayant été délivré par le maire le 20 décembre 2018 et versé à l’instruction, le tribunal a rejeté la requête formée par les requérants. Toutefois, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé les deux jugements, ainsi que les permis modificatifs initial et de régularisation.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a jugé qu’il résulte des dispositions de l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme que, tant à l’appui d’un recours contre un jugement avant dire droit recourant à l’article L. 600-5-1 de ce code, qu’à l’appui d’un recours contre le jugement mettant fin à l’instance, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à l’appui de leurs conclusions, passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense présenté dans l’instance par l’un quelconque des défendeurs. Et la circonstance que le délai de recours puisse ne pas être expiré, notamment compte tenu des dispositions de l’article R. 811-6 du code de justice administrative qui prévoient que le délai d’appel contre un jugement avant dire droit court jusqu’à l’expiration du délai d’appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige, ou même que ce jugement ne soit pas encore intervenu, est sans incidence à cet égard.

Ainsi, le Conseil d’Etat a considéré que le moyen soulevé par les appelants pour la première fois dans leur mémoire en réplique produit le 18 septembre 2019, soit après l’expiration du délai de cristallisation de deux mois ayant commencé à courir à compter du premier mémoire en défense communiqué le 11 juillet 2019, devait être regardé comme irrecevable. Et la circonstance que le délai d’appel ouvert contre le jugement qu’ils contestaient, qui courait jusqu’à l’expiration du délai d’appel contre le second jugement en vertu de l’article R. 811-6 susvisé, n’était pas expiré, ce second jugement n’étant lui-même pas encore intervenu, est à cet égard, et comme il a été dit au point précédent, sans incidence sur cette irrecevabilité.

Sources et liens

CE, 24 juin 2022, n°456348, mentionné aux tables du recueil Lebon

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