Le 8 avril 2024, le Parlement a adopté une proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, dont l’article unique consacre le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage.
Pour rappel, le principe général de droit voulant que « Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » a été dégagé par la Cour de cassation dans sa décision du 19 novembre 1986 (n° 84-16.379).
Sur la base de ce PGD, les juridictions ont arbitré de nombreux troubles anormaux de voisinage, devant présenter un caractère continu et permanent, et pouvant être de natures très différentes : les bruits, provenant d’activités -personnelles ou professionnelles- ou d’animaux, mais également les odeurs, les poussières, les fumées, et les pertes d’ensoleillement ou de vue.
L’anormalité du trouble de voisinage est souverainement appréciée par le juge, et est constituée lorsque le trouble, par sa durée, sa répétition ou son intensité, excède les inconvénients normaux du voisinage ; la responsabilité sans faute de l’auteur du trouble est alors retenue.
Ce principe jurisprudentiel est désormais repris au nouvel article 1253 du code civil, lequel mentionne également l’exception selon laquelle la responsabilité de l’auteur du trouble anormal n’est pas engagée si l’activité générant le trouble :
– Est antérieure à l’installation de la personne s’estimant lésée par le trouble,
– Respecte la législation en vigueur,
– Se poursuit dans les mêmes conditions, ou dans des conditions nouvelles n’emportant pas aggravation du trouble.
Cette théorie de la pré-occupation existait déjà pour certaines activités à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation (désormais abrogé) ; elle concerne dorénavant tous types d’activités.
La loi prévoit également la création d’un article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime portant des exonérations de responsabilité spécifiques pour les activités agricoles préexistantes, dont les conditions d’exploitation résulteraient de la mise en conformité avec la réglementation ou ne seraient pas substantiellement modifiées dans leur nature ou leur intensité (hypothèse des évolutions classiques des exploitations agricoles, telle la diversification, qui devront être précisées par la jurisprudence).
Ainsi, le législateur a entendu consacrer un principe jurisprudentiel fréquemment invoqué dans les prétoires, et l’encadrer afin d’améliorer la gestion des conflits de voisinage, notamment les différends, souvent médiatisés et mis en exergue dans un rapport du Gouvernement au Parlement de décembre 2021, opposant les agriculteurs aux néo-ruraux s’estimant lésés par les bruits « naturels » de la campagne.