Dans deux décisions rendues le 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Toulon a jugé que le juge peut recourir à des sites internet publics et privés pour évaluer l’insertion d’un projet de construction dont le dossier de demande de permis serait insuffisant pour ce faire (TA Toulon, 4 octobre 2024, n°2303810 et 2303880).
Il est de jurisprudence constante qu’en matière de droit de l’urbanisme, le juge administratif doit procéder à toutes les mesures d’instruction qu’il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis (CE, sect., 1er octobre 2024, M. Erden, n°349560). Une décision récente du Conseil d’Etat est d’ailleurs venue préciser que dans le cadre de ces pouvoirs, le juge administratif peut consulter le site internet Géoportail pour « conforter son appréciation des pièces du dossier » (CE, 30 avril 2024, n°465124).
Dans les deux jugements rendus le 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Toulon est venu combiner cette jurisprudence du Conseil d’Etat relative à l’usage de Géoportail avec la décision Laurin (CE, 23 décembre 2015, Mme Laurin, n°393134) qui dispose que :
« La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ».
Ainsi, le tribunal administratif de Toulon, qui était saisi d’un permis de construire dont le dossier de demande était insuffisant pour apprécier l’insertion de la construction projetée dans son environnement, a jugé que l’appréciation portée sur la conformité du projet à la réglementation applicable pouvait être éclairée par les « sites internet publics, tel Géoportail, ou privés, tels Google Maps ou Earth, qu’il est loisible au service instructeur de consulter ».
Deux points notables peuvent être relevés.
Tout d’abord, ces décisions impliqueraient un élargissement des pouvoirs d’instruction du juge qui peut donc approfondir son étude malgré le caractère insuffisant des pièces constitutives du dossier. En effet, dans un tel cas, la défaillance du pétitionnaire lors de la constitution de sa demande est palliée par le recours à des sites internet. De plus, par ricochet, les services instructeurs de l’administration seraient eux aussi mis à même de recourir à ces outils dans l’appréciation des dossiers qui leur sont soumis. L’objectif vise certainement à empêcher tant des refus que des annulations qui ne seraient en réalité pas justifiés matériellement. Cependant, pour que cela ne représente pas une charge trop importante pour la juridiction, la solution est strictement restreinte à l’appréciation de l’insertion du projet dans son environnement.
Par ailleurs, le tribunal administratif de Toulon marque une application très large de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui ne visait que le site public Géoportail. Il n’est pas anodin que le tribunal ait spécifiquement mentionné Google Maps ou Earth, sites gérés par une société privée américaine et qui sont effectivement très utilisés en pratique. Cela soulève la question de la sélection des sites que peut consulter le juge administratif dans l’usage de ses pouvoirs d’instruction et de la fiabilité des données qui s’y trouvent.
Ces décisions du tribunal administratif de Toulon offrent ainsi une proposition innovante qui reste à confirmer par les juridictions supérieures.