Le candidat évincé et le candidat lésé : d’utiles précisions

Le Conseil d’Etat vient de préciser deux notions juridiques particulièrement importantes en matière de contentieux administratif des contrats, domaine en évolution permanente.

Le candidat évincé dans le recours en contestation de validité d’un contrat

Ainsi, par un avis du 11 avril 2012, le Conseil d’Etat refuse expressément d’appliquer la jurisprudence SMIRGEOMES (cf infra) dans le cadre d’un recours TROPIC (c’est-à-dire d’un recours au fond de contestation de la validité d’un contrat signé) : tout candidat évincé est recevable à présenter un recours sans avoir à justifier qu’il ait été lésé ou susceptible d’être lésé par le manquement invoqué.

Dans le cadre d’un recours TROPIC, la notion de candidat évincé est admise de manière large, le Conseil d’Etat précisant que :

« Cette qualité de concurrent évincé est reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable.

A l’appui de son recours (…), le concurrent évincé peut invoquer tout moyen.

Il ne résulte par ailleurs d’aucun texte ni principe que le caractère opérant des moyens ainsi soulevés soit subordonné à la circonstance que les vices auxquels ces moyens se rapportent aient été susceptibles de léser le requérant. »

Le recours en contestation de validité du contrat est donc bien à distinguer du référé pré-contractuel.

CE, avis, 11 avril 2012, n°355446, société Gouelle


Le candidat lésé dans le référé pré-contractuel

Pour ce référé, par un arrêt du 11 avril 2012, le Conseil d’Etat précise que la notion de candidat lésé au sens de la jurisprudence SMIRGEOMES qui définit la recevabilité de ce recours spécifique, est indépendante du classement du requérant à l’issue du jugement des offres dès lors que sa candidature ou son offre étaient recevables :

« il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;

le choix de l’offre d’un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable ;

en jugeant ainsi qu’un tel choix était par nature susceptible d’avoir lésé tout autre candidat à la seule condition que la candidature de cet autre candidat soit elle-même recevable, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit. »

En l’espèce, le requérant pouvait donc être lésé par le choix du pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché en cause à un candidat dont la candidature était irrégulière : le manquement invoqué était donc susceptible de léser le requérant de façon indirecte par l’avantage ainsi conféré par le pouvoir adjudicateur à une entreprise concurrente et ce quel que soit le classement du requérant.

Par suite, dans le cadre d’un référé pré-contractuel, et à la différence du recours TROPIC, le candidat n’a pas à démontrer qu’il avait des chances sérieuses de remporter le marché.

Sources et liens

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