Le Conseil d’État vient de rappeler les exigences européennes en matière de droit au congé annuel et impose une révision du décret n° 84-972 du 26 octobre de 1984 applicable aux agents publics. En jugeant insuffisantes les garanties offertes en matière d’information et de report des congés non pris, la Haute juridiction contraint les employeurs publics à adapter leurs pratiques et leurs outils de gestion (Conseil d’Etat, n° 495899, 17 octobre 2025, mentionnée aux Tables du Recueil Lebon).
À la suite de nombreuses difficultés rencontrées par les administrations dans la gestion des congés annuels des fonctionnaires, plusieurs organisations syndicales ont saisi le Premier ministre afin qu’il procède à l’abrogation de certaines dispositions du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’État. Celles-ci prévoyaient notamment l’extinction automatique, à la fin de l’année ou de la période de report, des congés non pris, ainsi que des conditions restrictives de report et d’indemnisation, sans garantir que les agents aient été préalablement informés de leurs droits ou placés en situation de les exercer. Faute de réponse, une décision implicite de rejet est née, que l’Union fédérale des syndicats de l’État – CGT a contestée devant le juge administratif.
Le litige est survenu dans un contexte où la jurisprudence européenne s’était progressivement affirmée pour protéger le droit au congé payé, considérant que l’employeur doit non seulement accorder des possibilités effectives de prise de congés, mais également informer l’agent des risques de perte de ses droits. Malgré ces exigences, la réglementation française applicable à la fonction publique d’État n’assurait pas, dans certains cas, la possibilité d’un report, ni une information adéquate sur les modalités de conservation de ses congés non pris.
Saisi du refus d’abroger le décret de 1984, par une décision rendue le 17 octobre 2025, le Conseil d’État a rappelé que le droit au congé annuel payé revêt une valeur particulière en droit de l’Union européenne, et qu’il ne peut être perdu que si l’agent a été mis en mesure, de manière effective et transparente, d’exercer ce droit. Il en découle que l’administration doit non seulement organiser la prise des congés, mais également informer l’agent, en temps utile, des conséquences d’une non-utilisation de ceux-ci.
Partant, le Conseil d’État a jugé que le refus du Premier ministre d’abroger les dispositions litigieuses était entaché d’illégalité, dès lors que ces dispositions ne garantissaient pas l’effectivité du droit au congé annuel au regard des exigences européennes. Considérant que l’insuffisance de la réglementation entraînait une méconnaissance du droit européen, il a annulé la décision implicite de rejet et enjoint au Premier ministre de modifier, dans un délai de six mois, les dispositions en cause du décret du 26 octobre 1984 afin de les mettre en conformité.
En conclusion, cette décision impose aux employeurs publics une vigilance accrue dans la gestion des congés annuels. Le Conseil d’État rappelle que le droit au report ne peut être écarté sans une information claire, préalable et effective de l’agent, en conformité avec les exigences européennes. Les administrations devront ainsi adapter rapidement leurs pratiques et outils internes afin de sécuriser leurs procédures et de prévenir tout risque contentieux, dans l’attente de la modification annoncée du décret de 1984.