Recevabilité des demandes d’homologation des transactions hors contrat administratif et consentement implicite de l’administration

L’intérêt de la décision du 18 février 2025 du Conseil d’État est double. Elle précise les conditions de recevabilité des demandes d’homologation de transactions conclues en dehors de tout contrat administratif et sans médiation préalable, tout en admettant également qu’un consentement implicite de l’administration peut être retenu (Conseil d’État, 5ème chambre, 18 février 2025, inédit au recueil Lebon, n°491821).

En premier lieu, le Conseil d’Etat a affirmé que la simple transmission d’un protocole transactionnel manifeste le consentement effectif de l’administration, tout en rappelant qu’une indemnité ne peut revêtir le caractère d’une libéralité, sous peine d’entacher la transaction d’illégalité.

En second lieu, s’il refuse d’homologuer cette transaction au motif qu’elle constitue une libéralité, il ne mentionne pas le fait qu’elle ne porte pas sur un contrat administratif en application de la jurisprudence L’Haÿ-les-Roses.

En l’espèce, la SCI Josada avait conclu un bail commercial à compter du 1er juin 2008. Par un arrêt du 8 juillet 2016, la cour d’appel de Paris en avait constaté la résolution et ordonné l’expulsion des occupants sans droit ni titre. La SCI a sollicité à deux reprises le concours de la force publique, lequel lui a été accordé tardivement.

Cette transaction qui n’a pas été précédée par une médiation a été conclue entre la préfecture et la SCI Josada, sans être transmise au préfet pour signature.

Si on pouvait considérer qu’en l’absence de signature du préfet, le consentement de la préfecture ne pouvait être constaté, le Conseil d’État estime que la transmission du protocole par le préfet traduisait la volonté de l’administration de conclure l’accord.

En effet, il rappelle qu’en application de l’article L. 423-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), il revient au juge de vérifier l’existence d’un consentement effectif des parties.

En ce sens, l’article L. 423-1 du CRPA dispose que :

« Ainsi que le prévoit l’article 2044 du code civil et sous réserve qu’elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l’administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit. »

De plus, l’article L. 423-2 du CRPA énonce que :

« Lorsqu’une administration de l’État souhaite transiger, le principe du recours à la transaction et le montant de celle-ci peuvent être préalablement soumis à l’avis d’un comité dont la composition est précisée par décret en Conseil d’État. L’avis du comité est obligatoire lorsque le montant en cause dépasse un seuil précisé par le même décret. »

Enfin, l’article L. 213-4 du code de justice administrative précise que :

« Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation. »

Pour rappel, le Conseil d’Etat fait une distinction entre deux régimes :

• Lorsque la transaction est conclue pendant ou à l’issue d’une médiation, il faut appliquer l’article L. 213-4 du CJA (CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 18/03/2024, 22MA00453, Inédit au recueil Lebon).
• Lorsque la transaction est conclue en dehors de toute médiation, c’est la jurisprudence L’Haÿ-les-Roses qui s’applique (comme en l’espèce).

En rappelant que l’homologation judiciaire vise à conférer force exécutoire aux transactions, le Conseil d’État confirme que le juge administratif exerce un contrôle de fond sur la légalité de l’accord. Il vérifie notamment l’objet licite de la transaction, l’existence de concessions réciproques équilibrées, l’absence de libéralité et la conformité à l’ordre public (avis CE, 6 décembre 2002, L’Haÿ-les-Roses).

Par ailleurs, dans son avis du 6 décembre 2002 susvisé, le Conseil d’État avait considéré que la demande d’homologation des transactions extrajudiciaires conclues par des personnes publiques ne pouvait porter que sur un contrat conclu dans l’intérêt du service public, c’est-à-dire en matière de marchés publics et de délégations de service public.

Ainsi, le Conseil d’État avait ouvert la voie aux demandes d’homologation conclues par des personnes publiques en dehors d’un procès, pour les contrats administratifs.

En l’espèce, si le Conseil d’État refuse d’homologuer la transaction au motif que l’indemnité versée couvrait une période pour laquelle aucun retard injustifié dans l’exécution du concours de la force publique n’était établi — et qu’elle constituait ainsi une libéralité illicite —, il ne mentionne pas le fait que la transaction hors médiation ne portait pas sur un contrat administratif.

Au regard de cette décision, le Conseil d’État n’a pas appliqué le critère tenant à l’exigence selon laquelle la transaction qui n’est pas issue d’une médiation doit porter sur un contrat conclu dans l’intérêt du service public.

Ainsi, les demandes d’homologation de transaction sans médiation préalable conclue par une personne publique ne portant pas sur un contrat administratif pourraient désormais être considérées comme recevables.

Sources et liens

Conseil d’État, 5ème chambre, 18 février 2025, inédit au recueil Lebon, n°491821

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