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Transaction des administrations de l’Etat : désormais l’avis d’un comité peut et parfois doit être requis sur le principe et le montant de la transaction (article 24 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance)

La transaction est un contrat écrit permettant de terminer une contestation née ou de prévenir une contestation à naître (art 2044 du Code Civil). Elle peut intervenir en dehors de toute procédure de règlement amiable d’un différend (comme la conciliation, la médiation ou l’arbitrage).

En cas de médiation, l’accord auquel parviennent les parties peut prendre la forme d’une transaction.

La médiation ayant été très fortement encouragée en matière administrative par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le nombre de transactions devrait augmenter.

La circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits, encourageait déjà les personnes publique et tout particulièrement l’Etat à recourir à la transaction pour faciliter le règlement rapide des différends « dans tous les cas où, compte tenu des circonstances de fait et de droit, il apparaît clairement que l’Etat a engagé sa responsabilité et où le montant de la créance du demandeur peut être évalué de manière suffisamment certaine ».

La circulaire rappelle dans son annexe (1.3.1.2.1.) que « chaque ministre est compétent pour transiger au nom de l’Etat dans les matières qui relèvent de son département.  

Il en résulte que les directeurs d’administration centrale sont habilités à conclure des transactions au nom de leur ministre, dans les limites de leurs attributions (…).

En ce qui concerne les services déconcentrés de l’Etat,…..la faculté de transiger n’est ouverte que si leurs responsables bénéficient d’une délégation du préfet à cet effet. »

En cas de conflit exposant une administration de l’Etat à un risque de condamnation pécuniaire, le risque pour l’agent signataire de la transaction de voir sa responsabilité personnelle engagée existe et pourrait légitimement conduire à limiter le recours à la transaction.

Pour surmonter ce risque, l’article 24 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance prévoit la possibilité et même l’obligation pour l’Etat (lorsque le montant de la transaction dépasse un seuil qui sera fixé par décret) de consulter un organisme collégial dénommé comité pour recueillir son avis sur le principe même du recours à la transaction et son montant. 

Le nouvel L. 423-2 du code des relations entre le public et l’administration, créé par cet article 24, dispose que dans ce cas « à l’exception de sa responsabilité pénale, la responsabilité personnelle du signataire de la transaction ne peut être mise en cause à raison du principe du recours à la transaction et de ses montants, lorsque celle-ci a suivi l’avis du comité. »

Si l’on comprend l’intérêt de consulter un tiers pour rassurer (et dédouaner) la personne qui a pris la décision de transiger et qui a évalué le montant de la transaction, on peut redouter un allongement des délais d’aboutissement du dispositif et sa complexification par l’augmentation du nombre d’intervenants dans le processus de décision.

En effet, l’article 24 indique que ce comité (dont la composition est pour le moment inconnue) pourra ou devra (selon le montant de la transaction) être saisi en vue de requérir son avis sur le principe même du recours à la transaction et son montant.

La circulaire de 2011 rappelle utilement que les règles permettant à l’Administration de déterminer les préjudices indemnisables et l’évaluation des sommes qui pourront être offertes dans le cadre d’une transaction, sont encadrées par la jurisprudence.

Mais dans certains cas, ce n’est qu’au terme des discussions menées entre l’Administration et l’ayant droit que le montant de la transaction sera connu avec précision et définitivement arrêté.

Cette situation pourrait alors conduire l’Administration à saisir deux fois le comité, en amont de la transaction pour requérir son avis sur le principe (et éventuellement sur une première évaluation de la future transaction) et en aval une fois que le montant des sommes sera arrêté.

En outre, il convient de rappeler que les règles de la comptabilité publique conduisent déjà d’autres tiers à intervenir dans le dispositif.

La circulaire de 2011 rappelle en effet dans son annexe (2.2.4.) « qu’une transaction ne peut être conclue par un département ministériel sans l’aval de l’autorité chargée du contrôle financier. 

Le rôle de celui-ci est de veiller à la régularité de la dépense et de s’assurer que les crédits correspondant au montant de l’indemnisation à verser par l’Etat sont engagés comptablement sur la ligne budgétaire appropriée. Afin de permettre une rapide exécution des accords transactionnels ou d’éviter un éventuel refus de visa, il est vivement conseillé de prendre l’attache du contrôleur financier avant d’envoyer une proposition formelle de transaction. Cette conduite s’impose, en particulier, lorsque la transaction porte sur des sommes importantes. »

De même, lorsque la transaction porte sur un contrat de la commande publique, la Circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique, prévoit l’intervention de certaines autorités de contrôle en amont et en aval de la transaction.

« 2. 2. 1. Les autorités chargées du contrôle financier au sein des services de l’Etat et de ses établissements publics doivent être informées de la préparation des transactions. Chargées notamment de la prévention des risques financiers, ces autorités pourront exprimer leur avis sur les engagements devant figurer dans le contrat. 

2. 2. 2. L’expertise technique des comptables publics, appelés à intervenir au titre de leurs fonctions de conseil, peut également être précieuse. »

Si la loi du 10 août 2018 encourage les transactions menées par l’Etat en dégageant sous certaines conditions la responsabilité personnelle du signataire de la transaction, elle risque dans le même temps de complexifier le dispositif.

Espérons que le décret annoncé qui fixera notamment la composition du comité apte à donner son avis et ses modalités d’intervention (montant de la transaction, délai d’intervention etc…) permette de lever ces réserves. 

Sources et liens

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