Par un arrêt du 21 mars 2022, le Conseil d’Etat a jugé que la description suffisamment crédible et précise des conditions de détention faite par un détenu peut constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne.
Un détenu du centre pénitentiaire de la Farlède à Toulon, incarcéré du 29 octobre 2015 au 2 février 2016, a formé un recours en responsabilité contre l’Etat en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de ses conditions de détention. Le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait produit aucun témoignage ni aucune pièce prouvant ses conditions de détention, alors que l’administration n’avait produit aucun mémoire en défense ni aucune pièce de nature à réfuter les allégations du détenu.
Un pourvoi en cassation a alors été formé devant le Conseil d’Etat, qui rappelle le principe selon lequel il appartient en principe au requérant qui souhaite engager la responsabilité de l’administration d’apporter tous les éléments permettant d’établir la réalité de son préjudice et l’existence d’une faute de l’administration. Toutefois, le Conseil d’Etat admet que lorsque le demandeur est un détenu ou un ancien détenu, la description suffisamment crédible et précise de ses conditions de détention peut constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne. Il appartient alors à l’administration d’apporter des éléments de nature à réfuter les allégations du demandeur.
Le Conseil d’Etat a donc annulé le jugement de première instance et a renvoyé l’affaire au tribunal administratif de Toulon à qui il appartiendra d’apprécier la portée et l’incidence des éléments de fait relatifs aux conditions de détention présentés par le ministre de la justice en défense devant le Conseil d’Etat.
La solution dégagée par le Conseil d’Etat allège la charge de la preuve pesant sur les détenus dans le cadre d’une action en responsabilité de l’Etat du fait des conditions indignes de détention et s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, J.M.B. c/ France (CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B. et autres c/ France, n°9671/15) qui transfère la charge de la preuve au gouvernement défendeur lorsque le requérant fait état d’une description « crédible et raisonnablement détaillée » de ses conditions de détention supposément dégradantes.