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Précisions sur l’office des juges intervenant successivement quant à la mise en œuvre de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme

Par un arrêt du 15 février 2019 qui, bien que non encore diffusé, sera publié au Lebon, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions sur l’office des juges intervenant successivement lorsqu’ils statuent sur la légalité d’un permis de construire pouvant faire l’objet d’une régularisation.

En l’espèce, un pétitionnaire s’est vu délivrer un permis de construire pour la réalisation d’un immeuble de six logements. Ce permis de construire a toutefois fait l’objet d’un recours contentieux.

En première instance, le tribunal administratif a fait application des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, en annulant le permis en tant seulement qu’il autorise la couverture, par un matériau autre que la tuile, de la terrasse sud du dernier étage de l’immeuble.

Toutefois, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce permis dans sa totalité en retenant deux motifs d’illégalité, tirés respectivement de la méconnaissance de l’article UB 11.3 et de l’article UB 14 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune. Dans ce cadre, la cour a refusé de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme au motif que, au vu de la conception du projet, les vices de légalité précités, « affectent par nature l’ensemble du projet de construction ». La commune a donc formé un pourvoi en cassation.

D’une part, s’agissant de l’office du juge de cassation, le Conseil d’Etat considère que lorsqu’il saisit d’un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d’illégalité d’une autorisation d’urbanisme, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus.

Ainsi, il a considéré que la cour avait commis une erreur de droit en retenant le vice tiré de la méconnaissance de l’article UB 14, et que le motif tiré de la méconnaissance de l’article UB 11.3, qui ne met en cause que les modalités de couverture du projet, apparaît susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et n’est, par suite, pas de nature à justifier à lui seul le refus de la cour de faire application de ces dispositions. Il a donc considéré qu’il y avait lieu d’annuler l’arrêt de la cour administratif d’appel.

D’autre part, sur l’office des juges de première instance et d’appel, et réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a apporté quelques précisions en considérant qu’« en l’absence de disposition expresse y faisant obstacle, ces dispositions [art. L.600-5-2 c. urb.], qui conduisent à donner compétence au juge d’appel pour statuer sur une décision modificative ou une mesure de régularisation si celle-ci est communiquée au cours de l’instance relative à l’autorisation délivrée initialement, sont applicables aux instances en cours à la date de leur entrée en vigueur ».

Il affirme également que « lorsqu’un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête, a retenu l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d’aménager dont l’annulation lui était demandée et, après avoir estimé que ce ou ces vices étaient régularisables par un permis modificatif, a décidé de faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme en prononçant une annulation partielle du permis attaqué et en fixant, le cas échéant, le délai dans lequel le titulaire du permis en cause pourra en demander la régularisation, l’auteur du recours formé contre le permis est recevable à faire appel du jugement en tant qu’en écartant certains de ses moyens et en faisant usage de l’article L. 600-5, il a rejeté sa demande d’annulation totale du permis, le titulaire du permis et l’autorité publique qui l’a délivré étant pour leur part recevables à contester le jugement en tant qu’en retenant l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis attaqué, il n’a pas complètement rejeté la demande du requérant. Lorsque le juge d’appel est saisi dans ces conditions d’un appel contre le jugement du tribunal administratif et qu’un permis modificatif a été délivré aux fins de régulariser les vices du permis relevés par ce jugement, il résulte des dispositions de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme […] que le bénéficiaire ou l’auteur de cette mesure de régularisation la lui communique sans délai, les parties de première instance comme les tiers, en application des dispositions de l’article R. 345-1 du code de justice administrative, ne pouvant contester cette mesure que devant lui tant que l’instance d’appel est en cours. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre cette mesure de régularisation devant le tribunal administratif, ce dernier la transmet, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du code de justice administrative, à la cour administrative d’appel saisie de l’appel contre le permis initial ».

De plus, « il appartient alors au juge d’appel de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif. S’il estime qu’aucun des moyens dirigés contre ce permis, soulevés en première instance ou directement devant lui, n’est fondé, le juge d’appel doit annuler le jugement, rejeter la demande d’annulation dirigée contre le permis et, s’il est saisi de conclusions en ce sens, statuer également sur la légalité de la mesure de régularisation. Si au contraire, il estime fondés un ou plusieurs des moyens dirigés contre le permis initial mais que les vices affectant ce permis ne sont pas régularisables, le juge d’appel doit annuler le jugement en tant qu’il ne prononce qu’une annulation partielle du permis et annuler ce permis dans son ensemble, alors même qu’une mesure de régularisation est intervenue postérieurement au jugement de première instance, cette dernière ne pouvant alors, eu égard aux vices affectant le permis initial, avoir pour effet de le régulariser. Il doit par suite également annuler cette mesure de régularisation par voie de conséquence ».

Mais, « dans les autres cas, c’est à dire lorsque le juge d’appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d’un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s’il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation. S’il constate que le permis ainsi modifié est toujours affecté d’un vice, il peut faire application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre sa régularisation ».

Sources et liens

CE, 15 février 2019, Commune de Cogolin, req. n°401384

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