Par une décision du 29 mai 2024, mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a clarifié le rôle du juge administratif dans la régularisation des déclarations d’utilité publique (DUP) (Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 29/05/2024, 467449).
Le Conseil d’État a précisé que le juge administratif ne doit pas seulement vérifier si les insuffisances du dossier d’enquête publique étaient corrigées à la date de son jugement, mais aussi s’assurer que ces insuffisances peuvent être rectifiées dans le délai d’une mesure de régularisation.
Dans le cas présent, le préfet du Val-d’Oise avait déclaré d’utilité publique le projet de construction de la section d’une route départementale. Plusieurs associations ont contesté cet arrêté, arguant qu’il était entaché notamment d’une irrégularité tenant à l’insuffisance de l’étude économique et sociale s’agissant des modalités de financement du projet.
Le 13 mars 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accueilli ce moyen et annulé l’arrêté. La cour administrative d’appel de Versailles a confirmé l’irrégularité retenue par le tribunal et, a rejeté la demande de régularisation présentée par le département du Val-d’Oise au motif qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les modalités de financement du projet avaient été évaluées avec une précision suffisante à la date de son arrêt.
Le Conseil d’État a censuré ce raisonnement, jugeant qu’il appartenait au juge d’appel non seulement de vérifier si les insuffisances étaient déjà corrigées, mais aussi d’examiner si elles pouvaient l’être dans le délai d’une mesure de régularisation :
« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, après avoir jugé que l’étude économique et sociale jointe au dossier d’enquête publique était entachée d’insuffisances s’agissant des modalités de financement du projet ayant eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, la cour administrative d’appel, pour rejeter les conclusions de département du Val d’Oise tendant à ce que puisse être prise une mesure de régularisation de l’enquête publique en procédant à une information du public sur les conditions de financement du projet, a jugé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que ces conditions de financement aient été évaluées avec une précision suffisante à la date de son arrêt. En se fondant sur une telle circonstance, alors qu’il lui appartenait, non de se borner à rechercher si les insuffisances entachant le dossier d’enquête publique étaient déjà corrigées à la date de son arrêt, de telle sorte que seule l’intervention d’une décision valant mesure de régularisation serait le cas échéant demeurée nécessaire, mais encore, à défaut que ces insuffisances soient déjà corrigées, d’examiner si, au vu des éléments versés à l’instruction, elles apparaissaient pouvoir l’être dans le délai d’une mesure de régularisation, la cour a commis une erreur de droit ».
Le Conseil d’État précise également qu’avant de se prononcer sur la légalité de la DUP et son caractère régularisable, le juge doit examiner les autres moyens soulevés par les requérants pour s’assurer qu’aucun d’entre eux n’entraîne l’illégalité de la DUP, ce qui rendrait inutile la régularisation.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État décide de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai de douze mois afin de permettre au département de régulariser le vice de l’insuffisance de l’étude économique et sociale.