Par une décision rendue le 20 décembre 2023, le Conseil d’Etat a jugé qu’une requête présentée avant que ne soit née la décision sollicitée par les requérants peut être rejetée par ordonnance comme étant manifestement irrecevable (CE, 20 décembre 2023, n°463151, aux tables).
En l’espèce, une association et un requérant ont demandé au maire de Moirans, par une lettre en mairie reçue le 13 août 2021, d’abroger sa décision de mettre en œuvre le logiciel » Briefcam » dans le cadre du déploiement d’un système de vidéosurveillance sur le territoire de la commune.
Dès le 3 septembre 2021, sans attendre la décision du maire de Moirans sur leur demande, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Grenoble.
Par une ordonnance du 16 septembre 2021, prise sur le fondement des dispositions du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable au motif qu’il n’existait pas, à la date de son ordonnance, de décision administrative que les demandeurs auraient été recevables à contester.
Par un arrêt du 7 avril 2022 contre lequel les intéressés se pourvoient en cassation, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’ils avaient formé contre ce jugement.
Se posait ainsi la question, pour le Conseil d’Etat, de la possibilité pour le juge administratif, de rejeter par ordonnance une requête présentée avant la naissance de la décision de l’administration sur une demande présentée par un requérant.
Après avoir rappelé les dispositions des articles R. 222-1, R.421-1 et R. 612-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative à cette question en jugeant que :
« 4. Il résulte de ces dispositions que lorsqu’un requérant, après avoir présenté une demande à l’administration, saisit le juge administratif avant que celle-ci ne se soit prononcée sur cette demande, ses conclusions, dirigées contre une décision qui n’est pas encore née, sont irrecevables. Si cette irrecevabilité peut être couverte, en cours d’instance, par l’intervention d’une décision expresse ou implicite, il est loisible au juge, tant qu’aucune décision n’a été prise par l’administration, de rejeter pour ce motif les conclusions dont il est saisi. Une telle irrecevabilité étant manifeste et le juge ne pouvant inviter le requérant à la régulariser, puisqu’une telle régularisation ne peut résulter que de l’intervention ultérieure d’une décision expresse ou implicite, les conclusions qui en sont entachées peuvent être rejetées par ordonnance sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative ».
Le Conseil d’Etat consacre ainsi, dans cette décision, la possibilité et non l’obligation, pour le juge administratif, de rejeter par ordonnance prise sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative (requête manifestement irrecevable), des conclusions dirigées contre une décision qui n’est pas encore née.
Au regard de cette décision, il appartient ainsi aux requérants d’attendre la naissance de la décision de l’administration sollicitée avant de saisir le juge administratif, sous peine de voir leur requête faire l’objet d’une ordonnance de tri.