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Le domaine public comme privé d’une commune doit rester vierge de tout signe ou emblème religieux

Une statue de la Vierge ne peut être élevée sur un terrain appartenant à une commune si celui-ci n’est pas compris dans les exceptions limitativement énumérées à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Pour rappel, cet article a pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes.

Dans cet arrêt du 11 mars 2022, le Conseil d’État rappelle qu’est prohibée l’élévation ou l’apposition de signes ou emblèmes religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception « des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »

En 2014, une statue mariale a été édifiée sur un terrain appartenant à la commune de Saint-Pierre-d’Alvey, commune rurale située dans le département de la Savoie. Saisi par des particuliers, le tribunal administratif de Grenoble a refusé d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de cette commune sur leur demande d’enlèvement du domaine communal de la statue religieuse litigieuse, qualifiant le terrain sur lequel elle est implantée de « dépendance indissociable et affectée de ce fait au culte de l’église » du village.

Néanmoins, dans un arrêt du 29 avril 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a enjoint au maire de faire procéder à l’enlèvement de la statue de la Vierge en estimant qu’est inopérante la circonstance que, « depuis le XVIIIe siècle, des processions partant de l’église convergent traditionnellement à l’occasion des cérémonies de la Pentecôte vers une ancienne croix romaine implantée sur cette même parcelle » dès lors que le terrain d’implantation, distant de l’église de Saint-Pierre-d’Alvey de deux kilomètres environ, ne saurait être considéré – a contrario du raisonnement des premiers juges – comme constituant une dépendance indissociable et affectée de ce fait au culte de cette dernière.

Les juges du Palais-Royal ont quant à eux estimé, dans la décision commentée, que la juridiction d’appel n’avait pas, ce faisant, inexactement qualifié les faits et n’avait par ailleurs pas commis d’erreur de droit en ne regardant pas cet emplacement public comme relevant de l’une des exceptions prévues par l’article 28 de la loi précitée.

De surcroît, le Conseil d’État a estimé qu’en tout état de cause le moyen tiré de ce que le terrain d’emprise de la statue de – selon la tradition catholique – la mère de Jésus-Christ constituerait une « dépendance immobilière nécessaire » de l’édifice servant au culte était également inopérant dès lors qu’à le supposer « il pourrait seulement en résulter, à condition qu’il y ait un lien fonctionnel entre cette dépendance et l’église, une soumission de cet emplacement au même régime juridique que l’église elle-même […], c’est-à-dire pour sa propriété et son affectation cultuelle. » Or « une telle circonstance demeure toutefois sans incidence sur la légalité de la présence de la statue sur cet emplacement, la notion d’ »édifice servant au culte » étant distincte de celle de dépendance d’un édifice du culte laissé à la disposition des fidèles et des ministres du culte. »

Enfin, les juges de cassation ont considéré qu’il ne résultait pas des termes de l’article 28 susvisé de la loi concernant la séparation des Églises et de l’État ni d’aucune autre disposition législative que l’interdiction « à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux […] en quelque emplacement public que ce soit » serait limitée aux seules dépendances du domaine public, sans devoir aussi trouver application au domaine privé des personnes publiques. Dans ces conditions, est également inopérant le moyen tiré de ce que la statue de la Vierge a été érigée sur un terrain appartenant au domaine privé de la commune.

Le domaine public comme privé d’une commune doit donc rester vierge de tout signe ou emblème religieux qui ne préexistait pas à la loi du 9 décembre 1905.

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