Impossibilité pour un CCAS de supprimer des aides sociales si cette faculté n’est pas précisément encadrée

Dans une décision n°454799 du 24 juin 2022, le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution de la délibération d’un CCAS autorisant son Président à supprimer ou suspendre, dans certaines hypothèses, le versement d’aides sociales facultatives.

Le contexte dans lequel cette décision a été rendue est le suivant.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, par une délibération du 13 avril 2021, le conseil d’administration d’un CCAS « a décidé d’autoriser son président à  » suspendre l’accès aux aides facultatives  » prévues par le règlement de l’aide sociale facultative adopté le 22 juin 2020 aux personnes ayant  » fait l’objet d’un rappel à l’ordre « , ou  » refusé l’accompagnement parental proposé par le conseil des droits et devoirs des familles au titre de l’article 141-2 du code de l’action sociale et des familles « , ou  » fait l’objet d’un jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public  » ou  » causé un préjudice à la commune « , ainsi qu’à la  » famille directe  » de ces personnes  » lorsque lesdites personnes sont mineures  » ».

La Ligue des droits de l’Homme a demandé, dans un premier temps, au Juge des référés du Tribunal administratif de Lille de suspendre l’exécution de cette délibération sur le fondement de l’article L.521-1 du CJA (référé suspension).

En première instance, le Juge des référés a rejeté cette requête au motif que l’association ne justifiait pas d’un intérêt pour agir.

La Ligue des droits de l’Homme a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

En cassation, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et constate que la Ligue des droits de l’Homme, en dépit de son champ d’intervention national, disposait bien d’un intérêt pour agir dès lors que la délibération contestée « était de nature à affecter des personnes vulnérables » et qu’elle « présentait, dans la mesure notamment où elle répondait à une situation susceptible d’être rencontrée dans d’autres communes, une portée excédant son seul objet local ».

Sur le fond, le Conseil d’Etat considère que l’exécution de la délibération attaquée crée une situation d’urgence au sens de l’article L.521-1 du CJA :

« 8. Eu égard aux effets de la délibération contestée sur la situation des personnes susceptibles de bénéficier des aides sociales facultatives prévues par le règlement de l’aide sociale facultative adopté par le centre communal d’action sociale, telles que l’accès à l’épicerie sociale et le versement de sommes couvrant tout ou partie des frais liés à la restauration scolaire, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie et justifie que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision contestée soit suspendue ».

S’agissant de la seconde condition propre au référé suspension, à savoir le doute sérieux sur la légalité de l’acte attaqué, le Conseil d’Etat relève que la légalité de la délibération est entachée d’un tel doute, compte tenu des « imprécisions quant aux circonstances pouvant conduire à la suspension des aides sociales facultatives » et de « l’absence de tout encadrement de la faculté ainsi reconnue au président du centre communal d’action sociale ».

En d’autres termes, si le Conseil d’Etat n’interdit pas par principe la suppression ou la suspension du versement des aides facultatives par le CCAS, il exige néanmoins que cette faculté soit encadrée de manière précise par la délibération la prévoyant.

En conséquence, le Conseil d’Etat suspend l’exécution de la délibération attaquée dans l’attente du jugement au fond qui sera rendu par le Tribunal administratif de Lille.

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