Par un arrêt du 19 janvier 2022, publié au bulletin, la Cour de cassation est venue clarifier les conditions de l’exercice du droit de rétrocession pour les expropriés qui ont consenti à la fixation de l’indemnité via un protocole.
Les dispositions de l’article L. 421-1 du code de l’expropriation prévoient que si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique.
Lorsque l’indemnité est fixée amiablement entre l’expropriant et l’exproprié ou après une procédure de fixation judiciaire, il est d’usage de conclure un acte, authentique ou sous seing privé, dénommé acte de quittancement ou traité d’adhésion à l’ordonnance d’expropriation. Cet acte prévoit notamment le montant de l’indemnité allouée ainsi que les conditions de prise de possession du bien. Cependant, les expropriants ont pris l’habitude d’y inclure fréquemment une clause dite de renonciation au droit de rétrocession.
La Cour d’appel de La Réunion, par un arrêt en date du 19 mai 2020, a censuré cette pratique indiquant que « portant sur un droit qui n’était pas encore né au moment de la signature du traité, la clause de renonciation est nulle et ne peut en tout cas produire aucun effet ».
La Cour de cassation confirme solennellement cette interprétation jugeant que le droit de rétrocession relève de « l’ordre public de protection ». Partant, la partie expropriée ne peut renoncer à ce droit que lorsque celui-ci est acquis.
Or, en pratique et comme dans l’affaire qui était jugée, ce droit n’est jamais acquis lorsqu’un acte de quittancement ou un traité d’adhésion est signé avec l’exproprié.
En effet, la Cour de cassation précise que ce droit de rétrocession n’est acquis par l’exproprié que dans deux hypothèses :
– « Soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination,
– Soit, avant même l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique. »
Cette décision vient donc fragiliser le régime des biens acquis par expropriation dès lors que les expropriants – dont le projet a pris du retard ou qui a été modifié par rapport à l’objet initial de la déclaration d’utilité publique – ne pourront plus bénéficier de la certitude de conserver la propriété des biens expropriés alors même que l’indemnité avait fait l’objet d’un accord amiable avec l’exproprié.
Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 janvier 2022, n°20-19.351, Publié au bulletin