Depuis sa décision Département du Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014, n°358994), le Conseil d’Etat a ouvert aux tiers susceptibles d’être lésés, dans leurs intérêts, par la passation ou les clauses d’un contrat administratif, la possibilité de contester la validité dudit contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires.
Pour pouvoir saisir le juge du contrat, les tiers doivent néanmoins justifier que leurs intérêts sont susceptibles d’être lésés de manière suffisamment direct et certaine et ne peuvent se plaindre que de vices du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou de ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office (ces exigences ne s’appliquent pas au Préfet ni aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale concernée).
Dans l’affaire qui nous intéresse, un contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés puis un avenant audit contrat ont été conclus entre, d’une part, la métropole du Grand Nancy et, d’autre part, Enedis et ERDF.
Plusieurs personnes physiques ayant la double qualité d’usager du service public et de contribuable local ont saisi le juge du contrat du tribunal administratif de Nancy pour obtenir l’annulation de l’avenant conclu. Leur demande ayant été rejetée en première instance, les requérants ont interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nancy qui a rejeté leur demande en considérant qu’ils n’avaient pas intérêt à agir compte tenu du caractère incertain de la mise en œuvre des clauses critiquées par les requérants.
Saisi d’un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nancy, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la question suivante : un tiers se prévalant de sa qualité de contribuable local peut-il former un recours Tarn-et-Garonne à l’encontre d’un contrat public ?
Le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative et a considéré que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en jugeant que les requérants n’avaient pas intérêt à agir alors que « le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses étant par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante ». Pour le Conseil d’Etat, il faut et il suffit que la convention ou ses clauses soient seulement « susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité » pour qu’un contribuable local justifie d’un intérêt à agir. Le caractère effectif des conséquences significatives d’une convention ou de ses clauses sur les finances ou le patrimoine de la collectivité n’est donc pas exigé par le Conseil d’Etat.
Les moyens pouvant être invoqués doivent, par ailleurs et classiquement, être en rapport direct avec l’intérêt lésé et ne peuvent donc concerner que des clauses ayant une incidence patrimoniale ou financière, ce qui est le cas en l’espèce puisque les requérants critiquent une clause relative aux biens de retour et une clause relative à l’indemnité à verser au titulaire du contrat par la métropole du Grand Nancy en cas de rupture anticipée du contrat.