L’absence manifeste de fait générateur fait obstacle au prononcé d’une mesure d’expertise

Dans une décision rendue le 27 juillet 2022, le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne peut être fait droit à une demande d’expertise permettant d’évaluer un préjudice, en vue d’engager la responsabilité d’une personne publique, en l’absence manifeste, en l’état de l’instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.

En l’espèce, la requérante a été victime d’une chute sur le territoire de la commune de Fréjus.

Elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon afin qu’il prescrive une expertise sur le fondement des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative aux fins d’évaluer les préjudices qu’elle a subis à la suite de cette chute. Ce dernier a rejeté cette demande par une ordonnance du 3 novembre 2021.

Saisi en appel contre cette ordonnance du 3 novembre 2021, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’ordonnance attaquée et rejeté la demande de la requérante par une ordonnance du 22 novembre 2021. C’est dans ce cadre que la requérante se pourvoit en cassation contre cette dernière.

Ce pourvoi a été l’occasion pour le Conseil d’État de préciser l’appréciation du juge lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce qu’il ordonne une mesure d’instruction ou d’expertise sur le fondement des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative qui dispose notamment que :

« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction ».

En premier lieu, le Conseil d’Etat vient rappeler que l’utilité de la demande doit être appréciée :

« d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens et, d’autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ». 

En second lieu et tel est l’apport de l’arrêt, le Conseil d’Etat précise que :

« A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d’expertise permettant d’évaluer un préjudice, en vue d’engager la responsabilité d’une personne publique, en l’absence manifeste, en l’état de l’instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur ».

Appliquant ce raisonnement à l’espèce, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance rendue par le juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille au motif que ce dernier a commis une erreur de droit en rejetant la demande pour défaut d’utilité en jugeant que « l’existence même d’un fait générateur susceptible d’engager la responsabilité de la commune de Fréjus sur le fondement du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public ne pouvait être tenue comme suffisamment probable en l’espèce pour justifier l’utilité d’une mesure d’expertise » alors que selon le Conseil d’Etat, « il ne pouvait rejeter une telle demande pour défaut d’utilité qu’en l’absence manifeste de fait générateur ».

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