Urbanisme : L’intérêt à agir du voisin immédiat, une réforme pour rien ?

1. Par une décision du 20 juin 2016, le Conseil d’Etat apporte de nouvelles précisions relatives à la preuve de l’intérêt à agir du voisin immédiat d’un terrain pour lequel est accordé un permis d’aménager, à la suite de l’arrêt du 13 avril 2016 (n° 389798) et de celui du 10 juin 2015 (n°386121).

En l’espèce, la requérante avait introduit un recours pour excès de pouvoir, en vue de voir annuler le permis d’aménager d’une parcelle située à proximité de sa maison d’habitation.

Afin de justifier de son intérêt à agir, celle-ci a produit à la demande du juge du fond : une copie de la demande du permis d’aménager, une copie du permis, un plan indiquant l’implantation des constructions envisagées, complété par un acte de notoriété et une facture d’électricité établissant sa qualité de propriétaire voisin, ainsi qu’un extrait de plan cadastral faisant apparaître la localisation du terrain d’assiette du projet par rapport à sa parcelle, la proximité de sa maison d’habitation avec ce lotissement, et la voie d’accès à ce dernier.

Jugeant ces preuves insuffisantes, le tribunal administratif a rejeté la requête jugée pour irrecevabilité manifeste du fait d’un défaut d’intérêt à agir.

Il estime que celle-ci aurait dû expliquer en quoi l’aménagement autorisé était de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien, reprenant ainsi les termes de l’article L600-1-2 du Code de l’urbanisme.

2. Saisi du litige, le Conseil d’Etat juge que la requérante a justifié d’un intérêt à agir suffisant, en fournissant seulement des documents cartographiques permettant d’apprécier la nature, l’importance et la localisation du projet contesté, et fait droit à la demande d’annulation de l’ordonnance d’irrecevabilité.

Ainsi, les documents cartographiques indiquant la localisation du projet par rapport au terrain du requérant peuvent suffire à justifier de l’intérêt à agir d’un voisin immédiat.

Par cette décision, le Conseil d‘Etat allège considérablement la charge de la preuve pesant sur le voisin d’un projet d’urbanisme, dès lors que celui-ci n’a pas réellement à démontrer que les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’utilisation et de jouissance de son bien.

Cette jurisprudence, qui s’inscrit dans la lignée de la décision du Conseil d’Etat 13 avril 2016, n°389798, réduit considérablement la portée attendue de la réforme opérée par l’ordonnance n°2013-638 visant à éviter les recours abusifs des voisins de projets, en tendant finalement à revenir à l’état de la jurisprudence antérieure.

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