Le Conseil d’État juge qu’un acheteur ne peut pas éliminer une offre transmise quelques heures après le délai si le soumissionnaire a accompli les diligences normales pour déposer son offre dans les délais, et que le retard résulte d’une difficulté technique non signalée, ici la taille des fichiers (CE, 13 novembre 2025, 506640).
Dans cette affaire, l’Assistance Publique- Hôpitaux de Paris avait rejeté l’offre d’une société candidate au motif qu’elle avait été transmise après la date et l’heure limites, et par un procédé non prévu par le règlement de consultation. Le candidat avait tenté à deux reprises, le jour même, de téléverser ses documents sur la plateforme de dématérialisation, mais le volume particulièrement important des fichiers, qui n’avait pas été signalé comme une contrainte technique dans les documents de la consultation, avait empêché ces dépôts. L’offre avait finalement été adressée par un lien de téléchargement quelques heures après l’expiration du délai.
Selon les hôpitaux de Paris l’offre présentée était irrégulière et de ce fait, ne pouvait pas être prise en compte dans l’analyse, car déposée au-delà de la date limite prévue, se basant sur l’article R2125-1 du code de la commande publique qui précise que : « les offres reçues hors délai sont éliminées ». Le raisonnement a été censuré par le juge de référés.
Saisi en cassation par l’APHP, le Conseil d’Etat rappelle que :
« 4. Si l’article R. 2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l’acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n’a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l’article R. 2132-9 du même code, établit, d’une part, qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et, d’autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal. »
Le Conseil d’État confirme d’une part, que les tentatives répétées du candidat, réalisées en temps utile, caractérisent les diligences normales attendues d’un opérateur économique. Il juge, d’autre part, que l’acheteur ne peut opposer une tardiveté lorsque celle-ci résulte d’un obstacle technique lié à la taille des fichiers, dès lors que cette contrainte n’avait été ni annoncée ni encadrée dans le règlement de consultation.
Le Conseil d’État rejette ainsi le pourvoi.
Cette décision impose une vigilance accrue pour les acheteurs publics dans la conception des dossiers de consultation, en particulier lorsqu’ils prévoient le dépôt de documents volumineux. Les acheteurs doivent informer clairement les candidats des limites techniques de la plateforme, notamment en ce qui concerne la taille maximale des fichiers.
Elle rappelle également aux opérateurs économiques la nécessité de procéder aux dépôts suffisamment en amont de la date limite, de conserver la preuve des tentatives et, le cas échéant, de recourir à la copie de sauvegarde autorisée par le Code de la commande publique.
Notons que le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’une offre n’est pas tardive si la tardiveté est imputable à un dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 23 septembre 2021, 449250).