Précisions sur le délai de recours contre une décision implicite refusant d’abroger ou de retirer un acte obtenu par fraude

Le Conseil d’Etat a jugé que le délai de recours contre une décision implicite refusant de retirer ou d’abroger à la demande d’un tiers intéressé un acte obtenu par fraude court à compter de la naissance de la décision, qu’il ait été ou non accusé réception de cette demande.

Par un arrêté du 19 novembre 2015, le maire de la commune de Juvignac (Hérault) a délivré à une société de construction un permis de construire pour la réalisation d’un ensemble immobilier comportant 111 logements collectifs sur un terrain situé au sein d’une zone d’aménagement concerté (ZAC).

Mais, par un courrier en date du 1er juin 2018, une autre société a demandé au maire de procéder au retrait pour fraude de cette autorisation d’urbanisme. Un refus implicite ayant été opposé à sa demande, cette société a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler ce refus et le tribunal a fait droit à sa requête.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a jugé que, si un tiers justifiant d’un intérêt à agir est recevable à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle l’autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d’abroger ou de retirer un permis obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l’a saisie d’une telle demande, le délai du recours contentieux qui lui est ouvert pour saisir la juridiction court dès la naissance de cette décision implicite, et sans que l’absence d’accusé de réception de sa demande y fasse obstacle.

Ainsi, en l’espèce, dès lors que la commune de Juvignac avait été saisie le 4 juin 2018 de la demande de retrait pour fraude du permis de construire litigieux et qu’une décision implicite de rejet de cette demande était née le 4 août 2018 du silence gardé par le maire, la requête tendant à l’annulation de cette décision implicite de rejet enregistrée au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2018, soit postérieurement à l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article R. 421-2 du code de justice administrative, était donc tardive.

Et le Conseil d’Etat a précisé qu’en se fondant sur l’absence d’accusé de réception de la demande de retrait pour fraude du permis de construire litigieux, pour juger qu’aucun délai de recours ne pouvait être opposé à la société requérante et que sa requête n’était pas tardive, le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit.

Sources et liens

CE, 23 juin 2022, n°443625, mentionné aux tables du recueil Lebon

À lire également

Droit de l'urbanisme et de l'aménagement
Précisions sur l’appréciation de l’obligation de création de logements sociaux dans un immeuble collectif
Le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’appréciation de l’obligation de création de logements sociaux dans les projets d’immeubles...
Droit de l'urbanisme et de l'aménagement
L’illégalité du règlement de la ville de Paris fixant les conditions de délivrance des autorisations de location des locaux commerciaux en meublés de tourisme en tant qu’il ne prévoit pas des critères clairs et précis de la condition tenant à préservation de l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services
Par un arrêt du 6 février 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la légalité de la...
Droit de l'urbanisme et de l'aménagement
Inopérance du moyen tiré de l’illégalité de la délibération arrêtant le PLU pour contester celle l’approuvant
Le Conseil d’Etat a jugé que le moyen tiré de l’illégalité de la délibération arrêtant le projet de plan local...
Droit de l'urbanisme et de l'aménagement
Alignement de la durée de validité des autorisations d’exploitation commerciale et des permis de construire
Le décret 2024-1248 du 30 décembre 2024 prévoit que la durée de validité des autorisations d’exploitation commerciales devant faire l’objet...