Par une décision en date du 20 décembre 2024, à mentionner aux Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a précisé que l’intérêt à agir d’un requérant à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie sur le seul fondement des dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme et que, par conséquent, la seule qualité d’héritier d’un usufruitier de parcelles voisines à un projet de construction autorisé par permis de construire ne donnait pas intérêt à agir à l’encontre dudit permis (CE, 20 décembre 2024, n° 489830).
Dans cette affaire, une société avait sollicité en 2016 la délivrance d’un permis de construire pour l’extension d’une maison d’habitation ; l’avis de dépôt avait été affiché en mairie dans les 15 jours de la demande, alors que Madame A. était usufruitière d’un bien immobilier voisin du projet.
Ce n’est qu’en août 2019 que l’arrêté accordant le permis de construire a été affiché sur le terrain, soit postérieurement au décès de Madame A. survenu en janvier 2019. Madame C., son héritière, a alors saisi le Tribunal administratif d’un recours en excès de pouvoir à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme, que les premiers juges ont annulé, retenant l’intérêt à agir de Madame C.
La Cour administrative d’appel a ensuite confirmé ce raisonnement, en se fondant non seulement sur les dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme, voulant que l’intérêt à agir d’un tiers occupant ou propriétaire d’un bien immobilier dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance sont susceptibles d’être altérées par le projet de construction s’analyse à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, mais également sur l’article 724 du code civil disposant que « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ».
Ainsi, le Tribunal puis la Cour ont considéré que Madame C., en sa seule qualité d’héritière de Madame A., laquelle disposait bien d’un intérêt à agir à la date d’affichage en mairie de la demande de permis de construire, s’était trouvée saisie de plein droit des droits et actions de sa mère décédée, « y compris des actions qui n’avaient pas été initiées par cette dernière ».
Saisie en cassation par la société pétitionnaire, le Conseil d’Etat a toutefois infirmé ce raisonnement, en écartant l’application de l’article 724 du code civil, et en précisant que l’intérêt à agir d’un tiers à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie sur le seul fondement des dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme.
Partant, et eu égard à la circonstance que Madame C. ne justifiait pas d’une occupation du bien immobilier à la date de l’affichage en mairie de la demande de permis de construire, la Haute juridiction administrative a conclu à l’irrecevabilité du recours en annulation de Madame C., et donc à l’erreur de droit commise par les juges du fond :
« La cour a jugé que la seule qualité d’héritière de sa mère, usufruitière de la maison à la date de l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire et décédée depuis, suffisait à donner intérêt pour agir contre le permis attaqué à Mme C, en application de l’article 724 du code civil (…) sans retenir qu’elle aurait justifié par ailleurs l’occuper de façon régulière à la même date. La cour a, ce faisant, commis une erreur de droit, l’intérêt pour agir contre un permis de construire s’appréciant sur le seul fondement des dispositions précitées des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme ».