La ville de Paris a engagé une procédure d’expropriation portant sur un hôtel meublé dont elle est propriétaire, et dont l’un des locataires était un étranger en situation irrégulière.
Elle a alors saisi le juge de l’expropriation aux fins de statuer sur le droit au relogement de ce locataire ainsi que sur l’indemnité d’éviction susceptible de lui revenir. A cet égard, elle a sollicité du juge l’absence d’octroi d’une telle indemnité, compte tenu de l’irrégularité du séjour de l’intéressé sur le territoire.
La cour d’appel de Paris, par un arrêt en date du 16 décembre 2010 (n° 08/00123), avait accordé le bénéfice de ses deux droits au locataire, nonobstant sa situation irrégulière.
La ville de Paris a alors formé un pourvoi en cassation en invoquant trois griefs principaux :
– D’abord, l’article L. 13-8 du Code de l’expropriation aurait été méconnu puisque le juge de l’expropriation ne serait pas compétent pour apprécier la situation du locataire au regard des règles de séjour des étrangers ;
– Ensuite, en estimant que le locataire est un occupant de bonne foi pouvant bénéficier du droit au relogement, la Cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles L. 521-1 du Code de la construction et L. 314-1 du Code de l’urbanisme ;
– Enfin, la cour d’appel aurait notamment violé les articles 111-4 du Code pénal et L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en ne considérant pas que le relogement d’un étranger en situation irrégulière serait constitutif de l’infraction d’aide au séjour irrégulier.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 12 septembre 2012, a rejeté le pourvoi.
S’agissant de la compétence du juge de l’expropriation, elle estime qu’il appartient en tout état de cause à ce dernier de statuer au fond « sur le litige relatif au droit au relogement d’un occupant et à l’indemnisation pouvant lui être due à ce titre », en application de l’article L. 14-3 du Code de l’expropriation.
Concernant le fond du litige, la troisième chambre civile considère, d’une part, que l’appréciation de la bonne foi de l’occupant exproprié n’est subordonnée à « aucune condition tenant à la situation administrative des occupants étrangers ». Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu la bonne foi du locataire dans la mesure où celui-ci occupait sa chambre depuis 1993, laquelle était son habitation principale.
D’autre part, elle rejette le moyen tiré de la constitution de l’infraction d’aide au séjour irrégulier au motif que « l’obligation de reloger, qui relève de l’ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi, sans distinguer selon que l’occupant étranger est ou non en situation irrégulière ».