Par un arrêt du 27 janvier 2020, le Conseil d’État est venu apporter deux précisions sur l’indemnisation due au titre des biens de retour en cas de résiliation anticipée d’une concession de service public.
En l’espèce, la commune de Saint-Orens avait concédé, par un contrat signé le 19 septembre 1991, les services publics de l’eau et de l’assainissement à la société Orennaise de services, pour une durée de 29 ans, jusqu’au 30 septembre 2020. La société Lyonnaise des Eaux France, aux droits de laquelle vient Suez Eau France, a succédé à la société Orennaise de services et la communauté urbaine du Grand Toulouse a succédé à la commune de Saint-Orens. Par une délibération du 16 décembre 2010, le conseil de la communauté urbaine a approuvé la résiliation anticipée du contrat de concession à compter du 1er janvier 2013 et la reprise en gestion directe des services de l’eau et de l’assainissement. La société Lyonnaise des Eaux France a alors engagé un contentieux en vue d’être indemnisée des préjudices causés par cette résiliation. Le Tribunal administratif de Toulouse a condamné Toulouse Métropole à verser à la société Lyonnaise des Eaux France la somme de 1 493 000 euros au titre des investissements non amortis à la date de résiliation. Cette indemnisation a été réévaluée à la hausse par la Cour administrative d’appel de Bordeaux.
Saisie à son tour, la Haute assemblée a tout d’abord rappelé les conditions dans lesquelles un délégataire est fondé à demander une indemnisation en cas de résiliation anticipée par la personne publique (CE, Assemblée, 21 décembre 2012, « Commune de Douai », n°342788) :
- d’une part, l’indemnité liée au retour anticipé des biens nécessaires au fonctionnement du service public n’est due que si lesdits biens n’ont pas pu être amortis au titre de la période d’exécution du contrat, soit en raison d’une durée du contrat inférieure à la durée de l’amortissement de ces biens, soit en raison d’une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement ;
- d’autre part, les modalités de calcul de l’indemnité varient en fonction de la durée d’amortissement. Deux cas de figure sont alors à distinguer : 1° lorsque l’amortissement des biens de retour a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à la valeur nette comptable inscrite au bilan ; 2° lorsque la durée d’utilisation des biens de retour est supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement des biens sur la durée du contrat ;
- enfin, s’il est loisible aux parties de déroger à ces principes dans le cadre d’une convention, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.
Le Conseil d’État est ensuite venu préciser qu’est sans incidence sur les modalités de calcul de leur valeur nette comptable tant la circonstance que les biens de retours considérés auraient été économiquement amortis avant la réalisation du contrat grâce aux résultats de l’exploitation de la concession, que l’entrée en vigueur, postérieurement à la signature de la concession, de textes rendant sa durée excessive.
Les juges du Palais-Royal en concluent « qu’en fixant à leur valeur nette comptable le montant de l’indemnisation de la société Suez Eau France au titre du retour gratuit anticipé des biens nécessaires au fonctionnement du service public dans le patrimoine de Toulouse Métropole en l’absence de stipulations contraires du contrat et en jugeant inopérant[s] le moyen tiré de ce que ces biens auraient été économiquement amortis avant la résiliation du contrat grâce aux résultats de l’exploitation de la concession » et « le moyen tiré de ce que la durée de la concession de service public litigieuse aurait excédé la durée maximale autorisée par la loi », la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit.