Précisions sur l’exécution d’une décision du juge pénal et sur la responsabilité de l’autorité administrative

Le Conseil d’Etat a jugé que l’obligation pour l’autorité administrative de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution d’une décision du juge pénal prend effet dès l’expiration du délai fixé par ce juge, indépendamment du prononcé d’une astreinte ou de sa liquidation.

Par un jugement du 13 novembre 2012, le tribunal correctionnel de Grasse a déclaré coupable une société de location, ainsi que deux particuliers d’avoir réalisé des travaux d’exhaussement et de coupe d’arbres sans autorisation d’urbanisme, sur plusieurs parcelles du territoire de la commune de Vallauris (Alpes-Maritimes). Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 19 novembre 2013 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et les coupables ont été condamnés à une amende et à la remise en état des lieux dans un délai de six mois sous astreinte de 75 euros par jour de retard.

Par la suite, le propriétaire d’une des parcelles a saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tendant à la condamnation de la commune et de l’Etat à l’indemniser du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de leur abstention à faire exécuter la décision du juge pénal. Si le tribunal administratif a rejeté sa demande formée contre la commune de Vallauris, il a toutefois condamné l’Etat en raison de sa carence fautive. Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il résulte des articles L. 480-5, L. 480-7 et L. 480-9 du code de l’urbanisme qu’au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l’article L. 480-5 du même code, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou à la demande d’un tiers, et sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 480-9 susvisé, de faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics justifient un refus.

Le Conseil d’Etat a ensuite précisé que, lorsque l’autorité compétente est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal, elle n’est pas tenue de rejeter la demande et il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction commise, des caractéristiques du projet soumis à son examen, ainsi que des règles d’urbanisme applicables.

Il a également indiqué que, lorsque l’autorité compétente refuse, sans motif légal, de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. A contrario, en cas de refus légal et donc en l’absence de faute, la responsabilité sans faute de l’Etat peut être engagée sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, par un tiers se prévalant d’un préjudice revêtant un caractère grave et spécial.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé que l’obligation à laquelle est tenue l’autorité compétente de faire procéder aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice prend effet à l’expiration du délai fixé par le juge pénal, indépendamment du prononcé d’une astreinte ou de sa liquidation par l’Etat, de sorte qu’en jugeant que la liquidation de l’astreinte ne constituait ni un préalable, ni une alternative à cette exécution d’office, les juridictions du fond n’ont pas commis d’erreur de droit.

Sources et liens

CE, 5 avril 2022, n°447631, mentionné aux tables du recueil Lebon

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