Promulguée le 9 avril 2024, la loi n° 2024-322 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, introduit de nouveaux outils juridiques pour lutter contre l’habitat insalubre et dégradé.
Cette loi a pour finalité de simplifier et d’accélérer les procédures, tout en instituant des mécanismes à la fois préventifs et curatifs, visant à promouvoir la réhabilitation des immeubles dégradé.
Parmi les principales dispositions de ce texte, plusieurs mesures méritent une attention particulière :
1. Un prêt global collectif pour financer les travaux de copropriété
L’article 4 de la loi introduit un prêt global collectif, un outil financier destiné aux syndicats de copropriétés pour simplifier le financement des travaux de rénovation, qu’ils concernent les parties communes ou privatives des immeubles.
Cet outil financier vise à faciliter la réalisation de travaux essentiels, incluant :
- La conservation des immeubles ;
- La santé et la sécurité des occupants ;
- Les rénovations énergétiques.
Tout copropriétaire peut refuser de participer à l’emprunt collectif, à condition d’en informer le syndic dans un délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale. Dans ce cas, il doit régler l’intégralité de sa quote-part des travaux dans un délai de six mois à compter de cette notification. À défaut de respecter ces conditions, le copropriétaire sera considéré comme engagé par l’emprunt collectif.
2. Renforcement des dispositifs de permis de louer
2.1. Un droit de visite encadré
L’article 8 redéfinit le cadre juridique du droit de visite applicable aux permis de louer.
Désormais, les maires ou présidents d’intercommunalité peuvent effectuer des visites pour vérifier que les logements répondent aux critères de mise en location. Ces visites doivent se dérouler entre 6h et 21h et nécessitent une autorisation judiciaire en cas de refus d’accès par l’occupant ou le propriétaire ou lorsque la personne ayant qualité pour autoriser l’accès au logement ne peut pas être atteinte.
2.2. Sanctions alourdies pour les infractions locatives
Les bailleurs qui contreviennent à leurs obligations (absence de contrat écrit, non-délivrance des quittances de loyer…) s’exposent désormais à des peines plus sévères, pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 20 000 euros d’amende (article 31).
3. Diagnostic structurel obligatoire dans les zones à risque
Pour renforcer la sécurité des immeubles, l’article 27 instaure une obligation de diagnostic structurel dans certains secteurs identifiés comme à risque par les maires.
Peuvent entrer dans le périmètre des secteurs :
1° Les zones caractérisées par une proportion importante d’habitat dégradé ;
2° Les zones présentant une concentration importante d’habitat ancien dans lesquelles les bâtiments sont susceptibles de présenter des fragilités structurelles du fait notamment de leur époque de construction, de leurs caractéristiques techniques et architecturales, des matériaux de construction employés ou de l’état des sols.
Ce diagnostic, à renouveler tous les dix ans, vise à :
- Identifier les désordres portant atteinte à la solidité des immeubles ;
- Évaluer les risques pour la sécurité des occupants et des tiers.
Pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, l’obligation de réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble est satisfaite par l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux.
4. Nouvelle procédure d’expropriation pour habitat indigne
L’article 9 institue un mécanisme d’expropriation spécifique visant les immeubles dégradés dont la réhabilitation reste envisageable.
Contrairement au cadre juridique précédent, qui se limitait aux immeubles nécessitant une démolition ou frappés d’une interdiction définitive d’habitation, ce mécanisme élargit les conditions d’intervention en ciblant les bâtiments encore réversibles, mais dont l’état requiert une intervention rapide des autorités publiques.
Plusieurs situations peuvent justifier le recours à cette procédure d’expropriation :
– Non-exécution d’arrêtés de sécurité ou d’insalubrité : lorsque, au cours des dix dernières années, un immeuble a fait l’objet d’au moins deux arrêtés imposant des mesures de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, sans que celles-ci aient été totalement mises en œuvre ou qu’elles aient nécessité une intervention d’office par les autorités compétentes.
– Prévention de la dégradation : lorsque des travaux de remise en état de l’immeuble s’imposent pour prévenir la poursuite de la dégradation de celui-ci.
– Immeubles occupés nécessitant un relogement temporaire : lorsqu’un plan de relogement a été établi pour des immeubles habités et que les travaux nécessaires rendent temporairement impossible la résidence dans les lieux.
Dès qu’une de ces conditions est remplie, le préfet est habilité à prendre un arrêté qui :
- Reconnaît l’opération comme d’utilité publique ;
- Rend les biens concernés cessibles ;
- Désigne la collectivité ou l’organisme qui sera chargé de l’opération ;
- Fixe une indemnité provisoire pour les propriétaires et les occupants concernés ;
- Précise une date pour la prise de possession des lieux, sous réserve du paiement ou de la consignation des indemnités prévues.
Après la prise de possession, le préfet dispose d’un délai d’un mois pour engager la suite de la procédure selon les règles habituelles de l’expropriation (C. expr. art. L 512-3).
La méthode de calcul des indemnités a également été adaptée pour refléter l’état des biens concernés. L’évaluation repose sur des accords amiables ou de transactions récentes portant sur des biens comparables situés dans la même zone géographique. Si aucun bien comparable n’est disponible dans la zone, la valeur est estimée à partir de biens de qualité supérieure, ajustée par des abattements tenant compte de la vétusté et des désordres constatés.