Les pouvoirs de police des maires pour les infractions au code de l’urbanisme subordonnés au délai de prescription de l’action publique

Par un avis contentieux, le Conseil d’Etat a estimé que la mise en œuvre des pouvoirs de police spéciale des maires pour lutter contre les infractions au code de l’urbanisme est subordonnée au délai de prescription de l’action publique, et a précisé l’articulation de ce délai avec le délai de prescription administrative décennale (CE, 5ème et 6ème chambres réunies, 24 juillet 2025, n°503768, Publié au recueil Lebon).

Après avoir adopté un arrêté interruptif de travaux, le maire de Sérignan (Occitanie) a mis en demeure deux particuliers, par un courrier recommandé, d’enlever une clôture en bois et de démolir une construction implantée sur leur terrain, dans un délai d’un mois et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai.

Saisi par les intéressés d’une demande d’annulation de cet arrêté et de cette mise en demeure, le tribunal administratif de Montpellier, avant de statuer sur la demande, a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’avis, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, afin qu’il détermine si une prescription, qui s’inspirerait de la prescription civile prévue par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, peut s’attacher au pouvoir conféré à l’autorité administrative par l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, en vertu d’un principe général du droit, et le cas échéant, pour qu’il précise l’articulation de cette prescription avec la prescription administrative prévue à l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme.

En réponse, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il résulte des articles L. 480-1 et L. 481-1 du code de l’urbanisme que, dans le but de renforcer le respect des règles d’utilisation des sols et des autorisations d’urbanisme, l’autorité compétente peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et à la suite d’un procès-verbal constatant que des travaux soumis à autorisation d’urbanisme, ou dispensés d’une telle formalité à titre dérogatoire, ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, mettre en demeure l’intéressé, après avoir recueilli ses observations et selon la nature de l’irrégularité constatée et les moyens permettant d’y remédier, soit de solliciter l’autorisation nécessaire, soit de mettre les travaux en cause en conformité avec les dispositions méconnues, y compris, si cela s’impose, en procédant aux démolitions nécessaires.

Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte, prononcée dès l’origine ou à tout moment après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, en ce cas après que l’intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations.

Le Conseil d’Etat a ensuite indiqué, qu’en subordonnant l’exercice des pouvoirs dont les articles L. 481-1 et suivants du code de l’urbanisme investissent l’autorité administrative compétente, au constat préalable d’une infraction pénale par un procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du même code, le législateur, dont il résulte des travaux préparatoires qu’il a entendu doter cette autorité de moyens propres d’action en présence d’infractions commises en matière d’urbanisme, sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, doit être regardé comme ayant exclu que ces pouvoirs puissent être mis en œuvre pour remédier à une méconnaissance des règles relatives à l’utilisation des sols ou des prescriptions d’une autorisation d’urbanisme au-delà du délai de prescription de l’action publique.

Ainsi, conformément à l’article 8 du code de procédure pénale, s’agissant de faits susceptibles de revêtir la qualification de délits, et sous réserve de l’intervention d’actes interruptifs de prescription, ce délai est de six années à compter du jour où l’infraction a été commise, c’est-à-dire, en règle générale, de l’achèvement des travaux.

Et le Conseil d’Etat de préciser enfin que, dans le cas où des travaux ont été successivement réalisés de façon irrégulière, seuls les travaux à l’égard desquels l’action publique n’est pas prescrite peuvent ainsi donner lieu à la mise en demeure susmentionnée. Et pour apprécier si ces travaux peuvent faire l’objet d’une demande d’autorisation ou d’une déclaration préalable visant à leur régularisation, qui doit alors porter sur l’ensemble de la construction, l’autorité compétente doit notamment tenir compte de l’application des dispositions de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme, qui prévoient que, lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme, sous réserve, notamment, que cette construction n’ait pas été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis. Si les travaux ne peuvent être ainsi régularisés, les opérations nécessaires à la mise en conformité, y compris, le cas échéant, les démolitions qu’elle impose, ne peuvent porter que sur ces travaux.

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