Un salarié de droit privé sera soumis strictement aux principes de neutralité et de laïcité et, même à un devoir de réserve s’il participe à un service public ou s’il est mis à disposition d’une personne publique.
Par un arrêt du 19 octobre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’un salarié de droit privé mis à disposition d’une personne publique ou dont l’employeur gère un service public est soumis à l’obligation de réserve ainsi qu’au respect des principes de neutralité et de laïcité.
En l’espèce, M. Z. avait été engagé par l’association Mission locale du pays salonais en qualité de conseiller en insertion sociale et professionnelle et avait été mis à disposition de la commune de X. pour exercer ses fonctions dans le cadre du dispositif intitulé « seconde chance », issu d’une convention de partenariat entre la ville de X. et la mission locale. Ce dispositif vise à accompagner les jeunes en difficulté en leur proposant un accompagnement individualisé et personnalisé leur permettant de s’inscrire dans un parcours d’insertion professionnelle.
Or, après l’attentat du Bataclan, la mission locale a licencié M. Z. pour faute grave, en lui reprochant d’avoir publié sur son compte Facebook, accessible au public, « des propos incompatibles avec l’exercice de [ses] missions et notamment, une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et [du] Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagnés de citations de sourates appelant à la violence », ces faits caractérisant des « manifestations politiques et religieuses qui débordent, d’une part de [sa] vie personnelle et, d’autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de [sa] mission de service public » et constituant une atteinte à l’obligation de neutralité du salarié, laquelle « englobe un devoir de réserve ainsi qu’une obligation de respect de la laïcité », et un abus de sa liberté d’expression.
Mais, M. Z. a contesté son licenciement et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt en date du 18 décembre 2020, l’a annulé estimant que la mission locale avait discriminé ce salarié en raison de l’expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement.
La Mission locale du pays salonais s’est pourvue en cassation et la Cour de cassation a considéré tout d’abord que « les principes de laïcité et de neutralité du service public qui résultent de l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».
Elle a ensuite considéré que « que les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d’association sont des personnes de droit privé gérant un service public ».
Enfin, elle a conclu que « que le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, constituée sous forme d’association, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions » tant en sa qualité de salarié d’une personne de droit privé gérant un service public qu’en celle de salarié mis à disposition d’une collectivité publique.
Cette décision est d’autant plus intéressante qu’elle porte sur des faits antérieurs à la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a renforcé, depuis lors, les règles en ces domaines.