Pour apprécier l’impact architectural et paysager d’un projet pour lequel un permis de construire vaut également permis de démolir, l’administration doit non seulement tenir compte du bâtiment démoli, mais également de son remplacement par la construction projetée.
Par un arrêt du 12 mai 2022, le Conseil d’Etat a jugé que pour mesurer l’impact architectural et paysager d’un projet pour lequel le permis de construire vaut également permis de démolir, l’administration doit non seulement tenir compte du bâtiment démoli, mais également de son remplacement par la construction projetée.
En l’espèce, le maire du Raincy a refusé de délivrer à la société civile de construction vente Léane un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d’un ensemble immobilier de cinquante logements répartis en deux résidences indépendantes avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol.
Cette société a alors saisi le Tribunal administratif de Montreuil d’une demande d’annulation de ce refus mais le tribunal a rejeté sa requête.
La Cour administrative d’appel de Versailles a, quant à elle, rejeté la requête d’appel de la société par simple ordonnance.
Saisie à son tour, la Haute assemblée rappelle tout d’abord qu’il résulte des dispositions de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme « que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus ».
Ceci étant rappelé, le Conseil d’Etat va plus loin et précise comment ce second temps du raisonnement doit s’appliquer lorsque les services instructeurs examinent une demande de permis prévoyant la démolition d’un bâtiment existant et la réalisation d’une nouvelle construction : « Il n’en va pas différemment lorsqu’il a été fait usage de l’article L. 451-1 du code de l’urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l’administration d’apprécier l’impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée ».
La personne publique, doit donc, lorsqu’elle est saisie d’une demande de permis de construire portant également sur la démolition d’un bâtiment et qu’elle envisage de faire application de l’article R.111-27 du Code de l’urbanisme, apprécier l’impact du projet dans son ensemble, en tenant compte des effets de la démolition envisagée mais aussi de ceux résultant de la nouvelle construction qui est projetée.
Si elle refuse le permis uniquement au motif que les effets de la démolition sur les lieux avoisinants sont excessifs, elle risque d’être sanctionnée en cas de recours.
En l’espèce, tel était le cas : « il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour refuser le permis de construire valant permis de démolir sollicité par la société requérante, le maire du Raincy s’est fondé sur la méconnaissance par le projet des articles R. 111-27 et UA11 du règlement de la zone UA du PLU […]. Il résulte des énonciations de l’ordonnance attaquée que, pour écarter le moyen tiré par la société de ce que la décision attaquée faisait une inexacte application des dispositions des articles R. 111-27 du code de l’urbanisme et UA11 du règlement de la zone UA du plan local d’urbanisme, la présidente assesseure de la 6e chambre de la cour administrative d’appel de Versailles s’est fondée sur la seule circonstance que le projet emportait la démolition de bâtiments qui, bien que ne figurant pas dans le patrimoine architectural protégé de la commune, présentaient une grande qualité architecturale. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent qu’il lui appartenait d’apprécier l’impact sur le site, non de cette seule démolition, mais du remplacement de ces bâtiments par la construction projetée. La société requérante est, par suite, fondée à soutenir qu’elle a commis une erreur de droit ».